En cette nuit de pleine lune d’août; je viens partager avec vous un des deux longs poèmes que j’ai écrits pendant le confinement. Il m’a été inspiré par le livre Gardiennes de la lune de Stéphanie Lafranque et mes travaux en cours sur le(s) corps de(s) femme(s). J’ai évoqué ce livre et ces inspirations dans cette précédente note de blog.
C’est un poème qui fera d’abord et avant tout partie de ce projet au long cours entamé il y a un peu plus de dix ans et qui devrait aboutir à un diptyque poétique sur les corps et les luttes des femmes.
Cependant, une fois écrit, j’ai trouvé qu’il entrait particulièrement en résonance avec les discussions que j’avais eues avec Virginie Biraud concernant Scansions animales, création en cours de la Cie Tchaka.
J’en ai donc fait un premier enregistrement audio que la compagnie a utilisé lors de la Jam poé-dansée qui a eu lieu il y a un mois à l’ATN à Bègles. Cet enregistrement avait été fait au son de mon bon vieux tam-tam qui m’accompagne depuis bien longtemps. Mais j’ai désormais reçu l’instrument de musique que j’avais imaginé dès le départ comme compagnon pour ce poème : un tambour chamanique. Je vous livrerai bientôt un nouvel enregistrement sur ma page SoundCloud. Et bien évidemment, ce texte et cet accompagnement prendront une autre dimension quand ils seront exécutés sur scène en direct en temps opportun.
D’ici là, voici le texte du poème. N’hésitez pas à me faire part de vos commentaires et ressentis après lecture :
Ôte-toi de ma Lune
Au mitan de la nuit
je me suis éveillée
la peau habillée
d’un frisson tidal
J’ai bu le nectar
de ton clair laiteux
et ma chair a tremblé
de chacune de ses fibres
Doigts qui pénètrent la terre
et rhizoment aux mille profondeurs
des vibrations telluriques
Yeux qui transpercent le ciel
et ricochent aux mille horizons
des ondes spirituelles
Réveillé en moi le centaure
dont la flèche trace le lien
entres corps, âme et esprit
Je suis l’arbre trait d’union
entre visible et invisible
entre vivants et disparus
Soluble frontière entre les mondes
Je suis le fléau juste à l’équilibre
entre féminin et masculin
Tu viens tracer sur mon ventre
le cercle cotidal de nos cycles
embrassant en ta transe
les quatre directions
les quatre éléments
les quatre saisons
les quatre phases
de lune pleine à lune noire
des ténèbres à la lumière
de la naissance à la mort
de l’absence aux renaissances
En ton jour nocturne
je bois l’élixir nacré
de tes énergies sélènes
et ton astre en mon sein
transcende à présent tous prémices d’éclipse
J’ouvre ma peau, ma chair et mon sexe
à l’accueil des rosées d’épanouissement
et mes fleurs dansent la constellation Liberté
Des profondeurs fertiles
de mes lunes rouges
je rugis un cri primaire
déployant les ailes de mon instinct premier
La peau tendue de mon corps
fait résonner tambour
cet appel vers mes louves de sang
et réunit le coven des gardiennes d’Ishtar
Lève-toi, Soeurcière !
Lève-toi et marche !
Lève-toi, Soeurcière !
Parées de nos fourrures
mutant au diapason de la vie
Armées de la clairvoyance
puisée en nos menstrues
Lève-toi, Soeurcière !
Lève-toi et marche !
Lève-toi, Soeurcière !
Nous avons déterré les cendres de nos brûlées
les avons insufflées en nos flux
Femmes lunaires, femmes sauvages
nous nous révélons en toute éclipse
Lève-toi, Soeurcière !
Lève-toi et marche !
Lève-toi, Soeurcière !
Patricia Houéfa Grange
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