La première date de la lecture Décimas et Guajiras al Cucalambé, que j’ai eu l’immense plaisir de créer en complicité avec Liz Barthel, a eu lieu mardi dernier à l’Auditorium de la Bibliothèque de Bordeaux Mériadeck, dans le cadre de la Semaine de l’Amérique latine et des Caraïbes à Bordeaux et sa Métropole. Encore mille mercis au public et aux ami.e.s venu.e.s découvrir et nous soutenir, ce fut une jolie soirée. Après vous avoir présenté El Cucalambé, après vous avoir présenté la décima, les guajiras et le repentismo, à quelques heures de la deuxième date, il est à présent grand temps que je vous parle un peu du travail de traduction effectué sur ces poèmes !
Comme je l’indiquais précédemment, dans ma première note consacrée à ce projet, ce qui m’a énormément frappée et plu, aussi bien à la lecture qu’à la traduction des quatre décimas choisies (mais cela concerne aussi les autres textes du recueil), c’est de découvrir et de voir se déployer devant moi la campagne cubaine, ses paysages, sa faune, sa flore, ses sons, ses parfums, ses textures, ses saveurs, tous mes sens ont été sollicités, émoustillés ! El Cucalambé était musicien des mots et poète du rythme, rompu à la décima comme au repentismo, au tiple comme à la plume, amoureux tout autant de sa « Cuba idolâtrée » que de sa « Rufina adorée », aussi tendre, drôle que coquin !
Ce fut loin d’être simple de le traduire (la décima est une forme fixe et le Cucalambé écrivait en créole cubain), et cependant ce fut un délice !
Il a évidemment fallu faire des choix et, pour résumer, j’ai effectué la traduction en pensant d’abord à la finalité de ces textes pour ce projet, à savoir en privilégiant le rythme et la musicalité. Ce fut davantage un travail d’adaptation que de traduction. J’ai cependant respecté au maximum le sens du texte original.
Il m’a été impossible de conserver, pour toutes les strophes, la disposition des rimes abbaaccddc. Mais cette disposition est présente pour certaines d’entre elles, et dans tous les cas, j’ai introduit des rimes. De même, il m’a été impossible de respecter, à chaque fois, l’octosyllabe – il faut cependant noter que El Cucalambé lui-même s’est parfois autorisé quelques entorses avec des vers de neuf ou dix pieds ici et là, cela participe aussi à la musicalité – mais le rythme était vraiment au cœur de mon travail et j’y ai particulièrement veillé en adaptant les vers à la mise en voix prévue.
Tocororo ou Trogon de Cuba
Oiseau national
J’ai également consacré – avec bonheur – énormément de temps à la traduction des noms des éléments de la faune, de la flore et du paysage cubain. Ces termes foisonnent dans les décimas du Cucalambé pour peindre une nature et un cadre réellement luxuriants.
J’ai choisi de traduire la grande majorité des termes de créole cubain relatifs à la faune et à la flore en puisant dans le(s) lexique(s) de(s) créole(s) français martiniquais/guadeloupéen et parfois haïtien. J’ai pour cela eu largement recours au portail EcuRed notamment qui, à partir du nom vernaculaire cubain, m’a indiqué non seulement le nom scientifique, mais encore les équivalents dans d’autres créoles et langues vernaculaires. Les notes présentes à la fin du recueil qui a servi de support à ce projet ont aussi été d’une aide précieuse.
Et j’ai conservé tels quels, sans les traduire, dans le texte français, les termes de créole cubain décrivant des éléments de la nature ou de la culture typiquement cubains.
Ce fut merveilleux de découvrir les bêtes à feu, calebasse zombi, mapou-rivière, tyran tête-police et autres bois-trompette, entre moult autres !!!
(Je fais ici une parenthèse pour vous indiquer que le paysage avait une place centrale dans la décima patriotique cubaine, comme vous pourrez le découvrir à travers ce document qui évoque largement El Cucalambé)
Et pour l’ensemble des traductions, j’ai bénéficié de l’œil relecteur vigilant et bienveillant de ma complice, Liz Barthel, native de Cuba. Cette lecture, nous l’avons réellement créée en duo, de A à Z. Et je profite de cette note pour te remercier à nouveau, primita mía, pour ta confiance et ta complicité. Quel plaisir que de travailler et créer à tes côtés !
Je vous laisse avec cette photo prise mardi en ouverture de notre lecture à l’Auditorium de la Bibliothèque de Bordeaux Mériadeck, et je vous dis à ce soir à La Laiterie à Talence pour une nouvelle représentation !
Ah, me voilà déconfite de n’avoir pas pu goûter aux mots et aux jupes folles !
On espère avoir de nouvelles occasions de présenter cette lecture 🙂