Du 24 mai au 7 juin aura lieu dans toute la France la Semaine de l’Amérique latine et des Caraïbes. À Bordeaux, c’est l’ensemble de la communauté latino-caribéenne et de ses sympathisant.e.s qui s’est mobilisé, avec le soutien de la municipalité et de la métropole, pour vous proposer un programme haut en couleur qui vous fera découvrir les multiples facettes de cette région du monde.
Je suis très heureuse d’y participer aux côtés de l’association L’Asafal qui cultive les liens entre Afrique, Amérique latine et France. J’ai pour cela traduit quatre poèmes (décimas) de Juan Cristóbal Nápoles Fajardo dit El Cucalambé et, avec la merveilleuse Liz Barthel, nous vous en proposerons une lecture bilingue français/espagnol théâtralisée et en musique (et peut-être bien quelques pas de danse aussi 😉 !!!) les 4 (en salle) et 6 juin (en jardin).
Je vous laisse découvrir, ci-dessous : l’intégralité du programme de l’association avec toutes ces belles dates à venir en vous invitant à les noter dans votre agenda pour être des nôtres (cliquer pour agrandir) :
En attendant de vous retrouver pour ces deux jolies dates (n’hésitez cependant pas à nous rejoindre non seulement sur l’ensemble du programme de l’Asafal, mais aussi sur l’ensemble du programme de cette magnifique semaine), dans les prochains jours, je vous parlerai de mon travail de traduction sur les quatre décimas que nous avons sélectionnées pour cette lecture ; de la décima et du repentismo auxquels excellait El Cucalambé ; mais pour commencer, je vais vous parler de ce poète bien connu et enseigné sur son île, mais méconnu ou inconnu hors des frontières de Cuba.
Juan Cristóbal Nápoles Fajardo, mieux connu sous le surnom de El Cucalambé, est né à Las Tunas, à Cuba, le 1er juillet 1829 et a mystérieusement disparu aux alentours de 1861/1862. Il s’est consacré à la poésie populaire et au récit de mœurs. Rumores del Hórmigo [Grondements de l’Hórmigo] (1856), rédigé en décimas guajiras (j’y reviendrai dans une prochaine note), est son oeuvre emblématique et celle que nous avons utilisée pour cette lecture.
Il est né à Victoria de Las Tunas (actuelle Province de Las Tunas), village essentiellement peuplé d’agriculteurs et d’éleveurs. Ses parents étaient Manuel Agustín Nápoles Estrada et Antonia María Fajardo, une famille de riches propriétaires terriens qui possédaient un moulin à sucre, El Cornito, en périphérie de la ville. Il y a vécu jusqu’à l’âge de 29 ans.
Juan Cristóbal a été élevé par son grand-père maternel. Son talent pour la poésie s’est révélé dès sa petite enfance. Son grand-père lui a donc fait découvrir les auteurs classiques tels que Homère, Virgile et Horace. Il lui a également enseigné la littérature classique espagnole, ainsi que la poésie des Cubains Zequeira et Rubalcava. Cependant, c’est son frère Manuel qui l’a initié à la poétique et à la rhétorique.
Au cours de sa vie de poète et de repentista, il a également occupé des postes de journaliste, de rédacteur en chef, de dramaturge et d’agent payeur des travaux publics. Sur le plan personnel, il a partagé sa vie avec Isabel Rufina Rodríguez Acosta (à qui il rend hommage à plusieurs reprises dans son oeuvre sous le prénom de Rufina).
Nápoles Fajardo a publié ses premières décimas guajiras en 1845 (à 16 ans) dans le journal El Fanal de la Villa de Santa María de Puerto Príncipe, actuelle ville de Camagüey. Il a ensuite collaboré avec La Piragua, organe du groupe « siboneyiste », raison pour laquelle il a été qualifié de représentant du « siboneyisme » (mouvement littéraire créole) et du créolisme dans la poésie cubaine.
En 1856, il a publié son recueil de poèmes intitulé Rumores del Hórmigo [Grondements de l’Hórmigo], considéré comme un classique de la poésie lyrique de l’île caribéenne. Il a participé à la conspiration indépendantiste de Agüero en 1851 ainsi qu’à d’autres par la suite.
En 1859, il a présenté son oeuvre théâtrale Consecuencias de una falta, drame en quatre actes rédigé en vers. Il a non seulement écrit des décimas, mais aussi des sonnets, rondeaux, épigrammes et des romances.
Il vivait à Santiago de Cuba quand il a disparu sans laisser de traces, vers la fin de l’an 1861, à 32 ans. Plusieurs hypothèses ont été formulées au sujet de sa mystérieuse disparition, mais la plus communément retenue est celle du suicide.
En 1886, un recueil de ses poèmes inédits a été publié à titre posthume. Son oeuvre poétique complète a été publiée à Cuba en 1974.
[Cette présentation est une traduction/adaptation de la notice biographique en espagnol sur Wikipedia]
L’héritage du Cucalambé, qui aurait eu 190 ans en juillet prochain, est encore bien vivant à Cuba aujourd’hui, en particulier dans sa ville et sa province natales. Ses poèmes sont appris par les écoliers, son oeuvre est enseignée dans les universités et, tous les ans, la ville de Las Tunas accueille La Jornada Cucalambeana (Journée du Cucalambé) autour de la date anniversaire de sa naissance. Cette manifestation est consacrée à la revendication et à la conservation des expressions culturelles les plus traditionnelles de la culture cubaine. Elle accueille diverses activités (danse, musique, art, histoire et cuisine) typiques de Cuba, ainsi que différents concours dont un de décimas. Des poètes et des musiciens se réunissent toujours dans l’ancienne résidence de la famille Nápoles Fajardo, El Cornito, devenue un motel. De nombreux lieux et un concours de poésie portent son nom.
En effet, l’oeuvre du Cucalambé est non seulement considérée comme un témoin de l’époque à laquelle il a vécu, mais encore comme l’ambassadrice de la décima, genre poétique national cubain. D’autant plus qu’à travers ses vers, le poète défendait avec patriotisme et passion son île et ses traditions. Poète populaire et poète des esclaves.
Quant à son surnom, El Cucalambé, d’après le Prologue de José Muñiz Vergara apparaissant dans le recueil que nous avons utilisé pour préparer cette lecture (voir ci-dessous), c’est un surnom que le poète se serait auto-attribué et qui aurait le sens suivant :
« Cook Calambé: cocinero salvaje, de pampanilla o taparrabo », autrement dit « Cook Calambé : chef sauvage, portant un pagne » (chef au sens de cuisinier ici).
Si vous lisez l’espagnol et souhaitez approfondir, voici deux articles pour poursuivre le voyage :
– El Cucalambé, el poeta popular, el bardo de los esclavos
– Acercarse a la vida y obra de « El Cucalambé »
« Cucalambé (Décimas cubanas)
Selección de Rumores del Hórmigo »
Juan Cristóbal Nápoles Fajardo
Ediciones Universal, Miami, Floride, 1999
Colección Clásicos Cubanos #12
Les quatre décimas que nous avons sélectionnées pour les lectures des 4 et 6 juin sont extraites de l’ouvrage ci-dessus qui constitue une sélection extraite du recueil Rumores del Hórmigo [Grondements de l’Hórmigo]. Comme je l’indiquais ci-dessus, ce recueil est le recueil emblématique du Cucalambé et comprend notamment le très célèbre Hatuey y Guarina que bien de petits Cubains ont appris sur les bancs de l’école, et dont le premier vers apparaît sur la première de couverture ci-dessus : Con un cocuyo en la mano … [À la main une bête à feu…, traduction de votre serviteuse].
Ce qui m’a énormément plu aussi bien à la lecture qu’à la traduction des quatre décimas choisies (mais cela concerne aussi les autres textes du recueil), c’est de découvrir et de voir se déployer devant moi la campagne cubaine, ses paysages, sa faune, sa flore, ses sons, ses parfums, ses textures, ses saveurs, tous mes sens ont été sollicités, émoustillés ! Le Cucalambé était musicien des mots et poète du rythme, rompu à la décima comme au repentismo, au tiple comme à la plume, amoureux tout autant de sa « Cuba idolâtrée » que de sa « Rufina adorée », aussi tendre, drôle que coquin !
Ce fut loin d’être simple de le traduire (la décima est une forme fixe et le Cucalambé écrivait en créole cubain), et cependant ce fut un délice ! Mais ceci est une autre histoire que je vous conterai la fois prochaine !
J’adore ce que tu as écrit. c’est exactement cela. tu as très bien synthétisé les explications du livre. Ce livre magnifique que j’ai trouvé en Espagne, grâce à la lumière de mon père qui me surveille et me protège de là-haut.
Je serais vraiment très contente et très fière si tu pouvais faire les traductions de manière officielle. ça serait une première. Et on va les fêter.
Merci Patricia pour tous ces beau moments que je passe en ta compagnie. Comme quoi les Nymphes elle sont toujours là.
Quelle Inspiration!! Merci
Puissent les Nymphes, les Muses et les mains protectrices de tous nos cher.e.s disparu.e.s continuer à nous accompagner et nous inspirer encore longtemps !
Si en plus on arrive à capter l’attention d’une maison d’édition francophone, ce sera la cerise sur le gâteau ! 😉