À quinze jours tout pile de sa parution en librairie, il était temps que je revienne vous parler de mon expérience de traduction de Blood que vous pourrez lire, à partir du 20 octobre, sous le titre Passeport.
Je reviens aujourd’hui sur une étape qui a été particulièrement importante pour moi. Comme je l’indiquais dans l’épisode précédent, entre mars et juin, cette traduction a donné lieu à une très belle partie de tennis à quatre entre l’éditeur, la relectrice, l’autrice et moi. Je dois tout d’abord dire que j’ai trouvé, auprès d’Olivier Desmettre et de la maison do, des interlocuteurs intelligents, patients, réellement ouverts à la discussion. Je pensais compter le nombre d’allers-retours et de versions lues, relues, re-relues, finales, finales-relues, etc. qu’il y a eu entre mars et juin, mais j’ai très vite perdu le fil et le chiffre en soi n’a pas d’intérêt. Il y en a eu pas mal ! À chaque fois, le fichier était brodé de mots mis en couleur et semés de commentaires, y compris pour l’ajout ou le retrait d’une virgule. Je remercie donc infiniment do pour son énorme respect du travail de traduction. Je dois dire aussi que face à l’immense responsabilité que l’on endosse en acceptant de traduire un texte, c’est un véritable soulagement d’avoir ces échanges – ces réels échanges – et de se sentir moins seule face à chacune des décisions un peu délicates.
On le sait bien, en fin de compte, une traduction – tout comme n’importe quel autre texte, y compris tous les textes publiés dans leur langue d’origine – n’est jamais totalement parfaite et jamais totalement définitive. Elle correspond à la solution du moment du point final. Ce qui est certain, c’est que j’ai mis toute mon énergie et ma passion dans la traduction de ce recueil, que je lui ai accordé les plus grands soins. Et je suis vraiment impatiente de lire les premiers retours, autant que si j’en avais été l’autrice d’origine !
Quelque chose m’a cependant interpellée pendant cette partie de tennis. La plupart des modifications/reformulations concernaient des répétitions. Nous avons, autant que possible, trouvé les synonymes les plus fidèles du mot répété dans la langue d’origine, sauf lorsque cette répétition servait l’insistance par exemple. Plus tard, je me suis demandé pourquoi le fait de lire/voir/entendre un mot répété à quatre ou cinq reprises dans une même phrase est à peine remarqué en anglais, alors qu’une telle répétition dérange en français ? Pourquoi, en français, sommes-nous si allergiques à la répétition ? Pourquoi la relions-nous forcément à une pauvreté de vocabulaire ? On nous le serine dès les rédactions de l’école primaire, « évite les répétitions », « trop de répétitions ». Et pourtant, même si un mot peut avoir plusieurs synonymes, chaque mot-synonyme a ses propres nuances, qui ne recouvrent jamais exactement les contours du mot de départ. Un mot est un mot est un mot est un mot. Un sens est un sens est un sens est un sens. Peut-être est-ce la poète en moi – amoureuse des anaphores, des résonances et des échos – qui s’exprime, mais les répétitions ne me dérangent pas lorsque je lis. (Ni lorsque j’écris mes propres textes d’ailleurs). Alors je me demande ce que cela dit de nous, francophones, cette aversion de la répétition ?
Si vous avez la réponse, n’hésitez pas à m’envoyer un message. Je serais ravie de m’entretenir sur ce point avec vous. Entre temps, je reviendrai vous parler de Blood/Passeport, juste avant la parution le 20 octobre, afin de vous dévoiler enfin le champ lexical intime de Noelle Q. de Jesus – du moins ce que j’en ai découvert.
Ah ! Si j’ai choisi l’image du tennis pour le titre de cet épisode, c’est parce que Noelle joue régulièrement au tennis. Et elle travaille de temps à autre sur un recueil de textes autour des leçons de vie que le tennis lui a données.
Et pour (re)lire l’ensemble de cette belle aventure de la traduction de Blood, suivez ce lien !