Une traduction dans Jentayu 9 !

Le 4 février 2019

A chacun de ses numéros, la revue Jentayu invite à traverser les frontières et à partir en voyages littéraires vers l’Asie. Pour cette nouvelle édition, la revue va plus loin et consacre son neuvième numéro au thème de l’exil. Qu’il soit volontaire ou forcé, personnel ou collectif, physique ou métaphorique. Migration, éloignement, séparation… : des questions d’une actualité toujours brûlante dans les littératures contemporaines d’Asie.

Lorsque j’ai lu l’appel à textes pour ce numéro sur le thème de l’exil, je m’apprêtais moi-même à partir en voyage, à retrouver la Malaisie, avec une première étape à Singapour. C’était l’été dernier. Au cours de mon séjour singapourien, j’ai visité la jolie librairie indépendante BooksActually dans le quartier de Tiong Bahru, et c’est là que j’ai été littéralement appelée par Mother of All Questions, recueil poétique de Grace Chia, auteure de la cité-État. C’est un ouvrage, publié par Math Paper Press, dans lequel Grace Chia aborde de nombreux thèmes articulés autour d’une thématique centrale explorant ce que c’est d’être femme. J’ai été totalement séduite par ce recueil et particulièrement touchée par les poèmes de la première partie Where is home? [C’est où ta maison ?]. C’est de cette partie que sont extraits les trois poèmes – Nage du chienGwóngdūng Wá et Je suis l’enfant de ma mère – que j’ai proposés à Jentayu et qui sont publiés dans ce neuvième numéro. Vous pouvez en découvrir des extraits ici et . J’ai également eu le plaisir d’échanger avec Grace Chia et vous pouvez lire cet entretien ici.
Encore mille mercis à Grace Chia, à Jérôme Bouchaud, directeur de publication des éditions Jentayu, et à Kenny Leck qui gère à la fois BooksActually et Math Paper Press, pour leur confiance.

L’exil est une notion qui nous parle à toutes et tous. Nul besoin d’avoir franchi des frontières physiques pour avoir vécu l’exil. Il suffit pour cela d’avoir quitté quelque chose ou quelqu’un, d’avoir été séparé de quelque chose ou quelqu’un. Prenez cependant le bateau que vous offre la jolie couverture de ce numéro 9 pour explorer le thème de l’exil en 15 destinations, mais attardez-vous d’abord entre les racines du bambou de l’édito :

Destination 1 avec l’écrivain taïwanais Kao Yi-feng (高翊峰).
Kao Yi-feng a été barman, professeur de danse, dramaturge, et est aujourd’hui rédacteur en chef de la version taïwanaise du magazine FHM, après avoir occupé les mêmes fonctions pour les magazines Cosmopolitan, Maxim et GQ à Taïwan. Auteur de nouvelles, de romans et de scénarios, il a reçu de nombreuses récompenses dont le Prix littéraire Baodao, le Prix littéraire Rung-san et le Prix littéraire du China Times. Son premier roman, L’Asile des illusions, a été publié à Taïwan en 2011. Paru en 2014, son deuxième roman a récemment été traduit en français : La Guerre des bulles (trad. Gwennaël Gaffric, Mirobole Editions, 2017).
Dans ce numéro 9, vous découvrirez justement des extraits de son roman L’Asile des illusions, toujours traduits par Gwennaël Gaffric.

Destination 2 avec Soth Polin.
Soth Polin (សុទ្ធ ប៉ូលីន), né en 1943 au Cambodge. Son premier roman, Une vie absurde (Tchiivit ’Et Ney, 1965), fortement influencé par Nietzsche, Freud et Sartre, mais aussi par la philosophie bouddhiste, sera un énorme succès. Suivront de nombreux romans et recueils de nouvelles, dont les grinçants et crépusculaires Tu es l’amour de ma vie (’Oôn Tchie Mtchah Snaè, 1966), Un homme s’ennuie (Bo’râh ’Apsok, 1967) et La mort dans l’âme (More na’ Knong Duong Tchèt, 1973). Proche des milieux nationalistes, anti-Sihanouk et anticommuniste, il fonde à la fin des années 60 le quotidien Nokor Thom. Il soutient la politique de Lon Nol avant de prendre ses distances et de se réfugier en France en 1974. Il travaille à Paris comme chauffeur de taxi et publie L’Anarchiste (Éditions La Table Ronde, 1980, réédité en poche en 2011), son seul roman écrit en français. Il quitte la France, presque dans la foulée, et part s’établir sur la côte ouest des États-Unis, où il vit toujours aujourd’hui.
Dans ce numéro 9, vous découvrirez sa nouvelle Nul ne peut faire revivre les morts, traduite du khmer par Christophe Macquet (បង គ្រីស្តាល).

Destination 3 avec la Tibétaine Tsering Wangmo Dhompa (ཚེ་རིང་དབང་མོ་སྡོམ་པ་).
Élevée par sa mère dans les communautés tibétaines en exil de Dharamsala, en Inde, et de Kathmandou, au Népal, elle réside aujourd’hui à San Francisco. Elle est diplômée du Lady Shri Ram College de New Delhi, de l’Université de Massachussets Amherst, et du programme de création littéraire de l’Université de San Francisco. Elle est l’auteure des recueils poétiques In Writing the Names (2000) et Recurring Gestures (2000), ainsi que des recueils de nouvelles Rules of the House (2002), In the Absent Everyday (2005) et My Rice tastes like the Lake (2011). Son essai Coming Home to Tibet: A Memoir of Love, Loss and Belonging a été publié aux États-Unis (Shambhala Publications, 2016). Parlant couramment plusieurs langues et dialectes, dont le tibétain, l’hindi et le népalais, elle choisit d’écrire en anglais pour exprimer la nostalgie des Tibétains exilés.
Dans ce numéro 9, vous découvrirez justement des extraits de son essai Coming Home to Tibet, traduits par Benoîte Dauvergne.

Destination 4 avec le poète, nouvelliste et romancier indien Perumal Murugan (பெருமாள் முருகன்).
Né en 1966 dans une famille modeste d’agriculteurs, Perumal Murugan est une figure de proue de la littérature contemporaine de langue tamoule. Professeur de tamoul, il est l’auteur de six romans et de plusieurs recueils de nouvelles et de poèmes. Certaines de ses œuvres ont été traduites en anglais, dont son tout dernier roman Poonachi (2016) et son recueil de poèmes Songs of a Coward: Poems of Exile (2017). Il a également publié divers travaux de recherche sur la langue et la littérature de sa région natale, le Kongunadu, dans le Tamil Nadu, en Inde du sud. Ses œuvres abordent des questions sociales contemporaines comme les castes, la pauvreté, la corruption et la cupidité, entre autres. En 2018, Perumal Murugan a été élu vice-président du PEN, l’association internationale des écrivains, avec l’Indienne Nayantara Sehgal.
Dans ce numéro 9, vous découvrirez trois poèmes extraits de son recueil Songs of a Coward: Poems of Exile, traduits par Vasumathi Badrinathan.

Destination 5 avec le romancier et nouvelliste turc Bilge Karasu.
Né en 1930 à Istanbul et décédé en 1995 à Ankara, il est l’un des auteurs majeurs de la modernité (voire de la post-modernité) littéraire turque. Il a étudié la philosophie à l’université d’Istanbul et a travaillé au service des diffusions pour l’étranger à la radio d’Ankara. Il a commencé à publier ses nouvelles en 1950. Le prix de la Société de la langue turque lui fut attribué pour sa traduction de The Man who Died de D. H. Lawrence, le prix Sait Faik de la nouvelle pour son recueil Uzun Sürmüs Bir Günün Aksami (Le Soir d’une journée qui fut longue, 1971), et le prix Pegasus pour son roman Gece (La Nuit, 1991). Ce dernier roman a d’ailleurs été publié en français (trad. Alain Mascarou et Serra Yęlmaz, Éditions de la Différence, 1993), tout comme Le Guide (trad. Alain Mascarou, Editions L’Harmattan, 1998).
Dans ce numéro 9, vous découvrirez sa nouvelle Les mûriers, traduite par Sylvain Cavaillès.

Destination 6 avec l’écrivaine singapourienne Grace Chia.
Elle est l’auteure d’un roman (The Wanderlusters, chez Math Paper Press), d’un recueil de nouvelles (Every Moving Thing That Lives Shall Be Food, id.) et de trois recueils de poèmes (womango, Cordelia et Mother of All Questions). Elle a aussi édité une anthologie de textes sur les familles alternatives. Ses travaux ont été traduits en plusieurs langues et ont paru, entre autres, dans The Brooklyn Rail, Cha: An Asian Literary Journal, Quarterly Literary Review Singapore et La Traductière. Elle s’est vue accorder des résidences d’écriture en Corée du Sud, à Macao et à Singapour.
Dans ce numéro 9, vous découvrirez trois poèmes extraits de son recueil Mother of All Questions (2017), traduits par Patricia Houéfa Grange.

Destination 7 avec Bai Ren (白刃), nom de plume de Wang Jisheng (王寄生).
Né en 1918 dans la province du Fujian, en Chine du Sud, il passe toute son adolescence aux Philippines. Il rentre au pays en 1937 pour finir ses études et s’engager comme soldat afin de combattre l’armée d’occupation japonaise ; il prendra part ensuite à la guerre civile contre le Kuomintang. Cette carrière militaire ne l’empêche pas d’être un auteur prolifique et versatile (nouvelles, poèmes, théâtre, romans). Dans les années 1980, il écrit notamment Errance dans les mers du Sud (南洋漂流记), un roman semi-autobiographique sur ses jeunes années en exil. Bai Ren est décédé en 2016, à l’âge de 98 ans.
Dans ce numéro 9, vous découvrirez justement des extraits de son roman Errance dans les mers du Sud, traduits par Pierre-Mong Lim dans le cadre de la Fabrique des Traducteurs 2018, organisée par le Collège des Traducteurs.

Destination 8 avec le romancier et nouvelliste chinois exilé au Canada Xue Yiwei (薛忆沩).
Considéré comme « un des secrets les mieux gardés de Montréal », selon le quotidien canadien Le Devoir, il habite le quartier Côte-des-Neiges depuis plus de quinze ans maintenant mais reste presque totalement méconnu du public francophone tout en étant un des écrivains les plus lus en Chine. Son œuvre est couronnée de prix et il a enseigné la littérature chinoise à l’Université de Shenzhen où il a habité pendant 13 ans. Il est l’auteur de cinq romans, dont surtout Désertion et Les enfants du docteur Bethune, mais aussi de recueils de nouvelles, dont l’un a récemment été traduit en français : Les gens de Shenzhen (trad. Michèle Plomer, Les Éditions Marchand de feuilles, 2018).
Dans ce numéro 9, vous découvrirez justement des extraits de son roman Les enfants du docteur Bethune, traduits par Brigitte Duzan.

Destination 9 avec la romancière et nouvelliste malaisienne Preeta Samarasan.
Preeta Samarasan a grandi dans la ville d’Ipoh, en Malaisie, et a vécu aux États-Unis pendant quatorze ans avant de s’installer en France en 2006. Elle est l’auteure du roman Et c’est le soir toute la journée (trad. Yoann Gentric, Actes Sud, 2009). Ses nouvelles ont été publiées dans plusieurs revues littéraires américaines. Elle habite actuellement dans un petit village du Limousin avec son mari, leurs deux filles et leurs deux chats.
Dans ce numéro 9, vous découvrirez sa nouvelle Bon à rien, traduite par Brigitte Bresson.
Photo © Guillaume Comte.

Destination 10 avec l’Indonésien Pramoedya Ananta Toer.
Pramoedya Ananta Toer, connu sous le diminutif de Pram, est né en 1925 à Blora, sur l’île de Java. Après avoir été emprisonné par le gouvernement colonial hollandais de 1947 à 1949, il est envoyé en 1965, sous la dictature de Suharto, au bagne de Buru, dont il sort en 1979 sous la pression internationale. Grand humaniste, fidèle à ses idéaux jusqu’à la fin de sa vie en 2006, il est surveillé et systématiquement censuré. Son œuvre est immense – plus de cinquante romans, nouvelles et essais, traduits dans près de quarante langues. En français, son fameux Quatuor de Buru est récemment paru dans son intégralité chez Zulma Éditions (trad. Dominique Vitalyos).
Dans ce numéro 9, vous découvrirez sa lettre à sa fille aînée Pujarosmi intitulée Pensées dérivant au fil de l’eau, traduite par Étienne Naveau et extraite de son recueil Nyanyi Sunyi Seorang Bisu (Soliloques d’un muet, 1995), compilant plusieurs textes, essais et lettres rédigés en détention à Buru.

Destination 11 avec la poétesse et traductrice littéraire Yin Ling (尹玲).
Née à My Tho, au Vietnam, elle fait paraître ses poèmes dans des journaux dès l’âge de 16 ans, puis se réfugie à Taïwan pour y poursuivre ses études. Elle gagne Paris en 1979. Son appétit de voyage, son tropisme vers le raffinement spécialement culinaire, l’ironie froide de sa poésie marquent une distance prise devant d’insupportables meurtres, que les médias rapportent constamment à sa mémoire. Titulaire d’un doctorat en littérature chinoise aux universités de Taïwan et Paris 7, elle a publié deux recueils de vers (Quand la nuit éclate comme une fleur et La colombe furtive), des monographies (Sociologie de la littérature, Su Dongpo et Qin Shaoyou, Poètes et poèmes des 5 dynasties) et des traductions (Zazie dans le métro de Raymond Queneau et Le testament français d’Andreï Makine). Elle étudie actuellement les théories littéraires françaises et la littérature comparée chinoise et vietnamienne.
Dans ce numéro 9, vous découvrirez trois poèmes traduits conjointement par l’auteure et par Benoit Sudreau et extraits de son recueil Le temps de guerre.

Destination 12 avec un auteur qui a déjà participé au numéro 5 « Woks et Marmites » de Jentayu : l’Ouzbek Hamid Ismaïlov (Хамид Исмайлов).
Né au sud du Kirghizistan – à l’époque territoire soviétique –, Hamid Ismaïlov fait des études de journalisme à Tachkent. Poursuivi pour son activisme politique, il se réfugie en Europe dans les années 90. Il travaille depuis à Londres comme rédacteur du service ouzbek de la BBC, mais n’est pas autorisé à se rendre en Ouzbékistan où ses œuvres sont souvent interdites. Il connaît aujourd’hui un succès international. Il est l’auteur d’une œuvre diverse écrite en ouzbek et en russe : poésie, essais, romans et nouvelles, partiellement traduite en russe, en anglais, turc et allemand. Deux de ses romans sont traduits en français : Contes du chemin de fer (Sabine Wespieser éditeur, 2009) et Dans les eaux du lac interdit (Éditions Denoël, 2015).
Dans ce numéro 9, vous découvrirez des extraits de son dernier roman La Danse des démons, traduits par Filip Noubel et Nazir Djouyandov.

Destination 13 avec la Chinoise Eileen Chang (张爱玲).
Eileen Chang est née en 1920 à Shanghai. Initiée très tôt aux enchantements raffinés des chefs-d’œuvre de la littérature classique chinoise, elle a commencé sa carrière d’écrivain à vingt ans, dans la période de la guerre sino-japonaise et de la Seconde Guerre mondiale. À la fois portée par le souffle de liberté venu de l’Occident et pénétrée de culture traditionnelle, Eileen Chang déploie tout son art d’observatrice dans cette Chine en mutation. Bientôt désenchantée, elle se détourne d’une gloire déjà considérable et, après un long séjour à Hong Kong, s’exile en 1955 aux États-Unis. Elle s’éteint à Los Angeles en 1995.
Dans ce numéro 9, vous découvrirez son essai autobiographique Murmure, traduit par Tanying Chou et Emmanuelle Péchenart.

Destination 14 avec le photojournaliste malaisien Samsul Said, dont Jentayu reproduit dix photographies issues de sa série documentaire intitulée Le calvaire des Rohingyas. Né à Pekan, dans l’état du Pahang en Malaisie, Samsul Said se spécialise depuis 2005 sur les sujets d’actualité, mais aussi sur les thématiques du lifestyle, du voyage et de la culture. Il s’est engagé dans un travail de long terme auprès des communautés rohingyas exilées au Bangladesh et en Malaisie. Pour sa série documentaire Le calvaire des Rohingyas, il s’est vu décerner à Londres un Sony World Photography Award en 2018. Ses images ont été publiées dans de nombreux médias internationaux, notamment Time, le New York Times, China Daily ou encore le Jakarta Post.

Destination 15 avec l’artiste visuelle singapourienne Odelia Tang. Elle s’intéresse aux concepts de l’être et du devenir dans les philosophies occidentales et orientales. Sa recherche artistique, déclinée sous la forme de dessins, de peintures et d’installations, porte sur les failles émotionnelles de l’humain qui viennent entraver le processus de sa transformation. À Singapour, ses travaux ont été exposés dans plusieurs musées et galeries, notamment The Private Museum, Gillman Barracks et l’Institut de l’art contemporain, et ils ont aussi fait l’objet de plusieurs articles et reportages dans les médias locaux.

Pour prendre le départ, cliquez !



Envoyer un grain de pollen