Petit traité sur l’immensité du monde

Le 15 août 2016

petit traité sur l'immensité du mondePetit traité sur l’immensité du monde
Sylvain Tesson
Editions des Equateurs, 2005
Pocket, 2008

Oui, je viens encore vous parler de Sylvain Tesson, je n’y peux rien, c’est comme ça, la parole de cet homme me parle !

Mais promis, c’est la dernière fois pendant un petit moment (jusqu’à ma prochaine plongée dans son univers, sûrement via Géographie de l’instant et Eloge de l’énergie vagabonde).

Comme le titre de cet ouvrage l’indique, ce livre est une invitation au voyage. Mais pas à n’importe lequel. Le voyage en lenteur, à l’autre bout du monde, au coin de la rue ou même dans des univers « magiques », par ses propres moyens et en littérature/poésie. Autrement dit, d’après Sylvain Tesson, le voyage c’est d’abord et avant tout un état d »esprit.

Quelques passages parmi ceux qui m’ont le plus parlé, dans lesquels je me suis retrouvée :

Mon corps semble ne jamais vouloir se reposer. Il se conduit comme un enfant jamais rassasié dont il faudrait s’occuper sans cesse. […] Quand mon corps me martèle jusqu’à l’obsession ce mantra de l’angoisse – « Que Faire ? » – je lui réponds : « Partir ! » pour le calmer. Partir pour refroidir les chaudières intérieures. En plus de freiner la course des instants, le voyage apaise les constitutions soumises à la pression d’un trop-plein d’énergie. Pour ceux qui craignent de tourner en rond, il y a la solution de s’engouffrer droit devant soi, de se lancer à l’aventure, et de trouver la paix, en battant les chemins.

Le propre des voyants est de ne jamais se satisfaire de ce dont les yeux se contentent. Ils traquent l’universel en fouillant l’anecdotique. C’est le principe de la métonymie appliqué à l’observation. Un voyageur doit être capable de glisser du brin d’herbe au cosmos et d’imaginer des planisphères dans les nuages qui passent au-dessus de sa tête. Si un grain de sable suffit à lui contenter l’esprit, son bonheur sera immense d’être jeté dans l’erg.

(Ce dernier extrait, cette phrase en particulier, « Ils traquent l’universel en fouillant l’anecdotique », me fait penser à la quête poétique qui sous-tend l’art du haïku et celui du pantoun).

Extraits du Chapitre « 2. Corps et âme ».

« Comment le vagabond habiterait-il entre les murs d’une ville ? Pourrait-il en supporter les effluves, lui qui ne connaît que les parfums des humus ? Est-il seulement capable de survivre sous la cloche de verre des cités de pierre ? La phalène du bouleau y est bien parvenue. Ce papillon fascina Darwin. Protégé des agresseurs par sa couleur d’écorce claire, il a muté au XIXe, pendant les décennies industrielles, et s’est noirci lorsque les fumées d’usines ont commencé à déposer leur suie sur les arbres. Le vagabond doit s’inspirer de la phalène. Il endossera les habits du citadin, se confondra au peuple des rues mais n’abandonnera jamais ses ailes qui lui permettent de s’échapper de la ville, d’y vivre sans y être. Je connais des wanderers perpétuels, des phalènes humaines, qui habitent au coeur de Paris, avec l’âme ailleurs. Ils se maintiennent intra-muros en état de poésie, comme s’ils n’avaient jamais quitté la route. Savoir que le calcaire des pierres de Paris est composé de fossiles déposés au tertiaire et que la ville repose par conséquent sur un lit de coquillages est le genre de pensées qui leur vient quand ils arpentent les boulevards. »

Extrait du chapitre « 9. Sur les vaisseaux de pierre ».



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