A l’école, je n’aimais pas les cours de géographie. Cela m’ennuyait profondément de retenir toutes ces cartes à différentes strates (villes, reliefs, climat, cours d’eau, …) D’ailleurs, au final, je n’en ai rien retenu. Il existe toujours une foule de pays que je ne saurais pas localiser sur un planisphère. J’ai toujours eu un très mauvais sens de l’orientation. Mais me perdre m’a toujours permis de découvrir ce à quoi je ne m’attendais pas. Et j’aime ça !
Je suis nulle en géographie et cependant, lorsque j’envisage et prépare un voyage, les cartes me fascinent. Le voyage commence avant le voyage. Et un de mes délices de préparatifs consiste à imaginer mes itinéraires en laissant s’envoler mon imagination lorsque je prononce à voix haute les noms étranges des villes qui les jalonneront. Se dire que ces mots qui ne sont, à ce moment-là, que des sons abstraits, se métamorphoseront bientôt en expérience concrète, palpable, puis en souvenirs prégnants. Vertige.
Ainsi en fut-il pour la Malaisie. Et j’ai décidé de glisser mon itinéraire de Papillonne dans les futurs carnets que je prépare. Voici un premier essai (cliquer pour agrandir) :
J’aime bien ce que cela donne, mais cela restera un premier essai. Je voudrais trouver une carte plus jolie, de plus grandes dimensions, imprimée avec de belles couleurs sur du joli papier. Une carte sur laquelle l’itinéraire se détachera plus clairement, où je pourrai m’exprimer davantage. Si vous qui passez ici, vous savez où je pourrai m’en procurer une, envoyez-moi un message, merci.
Comme je l’indiquais plus haut, les cartes exercent, malgré tout, paradoxalement, une certaine fascination sur moi. Et j’ai pu retrouver cette fascination dans un texte que j’ai récemment bu (oui, vous avez bien lu, je l’ai bu) dans le quatrième numéro de la revue Jentayu qui a pour thème « Cartes et Territoires » :
Je suis persuadée que les cartes ont un pouvoir magique secret, car elles me donnent toujours une légère sensation de vertige.
Car c’est en voyageant sur une carte qu’on réveille l’explorateur qui est en soi.
J’adore prendre un feutre en couleur pour marquer les endroits où je suis allée, ou ceux où je compte aller, et ensuite tracer une ligne du point de départ au point d’arrivée. Attention, il ne s’agit pas d’une ligne quelconque : chacune représente des souvenirs ou des rêves, chacune, même la plus courte, contient en elle une vie humaine et bien des aventures. Je ressens enfin la joie que procure une carte !
Extraits de La beauté des cartes de Tsering Woeser (Chine & Tibet)
[Lire également son entretien qui est tout aussi passionnant que son essai]
Moi qui ne lis pratiquement jamais d’essai, j’ai été happée par les extraits d’un autre essai, également publié dans Jentayu 4. Il faut dire que les deux auteurs ici cités font preuve de beaucoup de poésie :
Pour le lecteur de cartes à l’esprit aventurier, la lecture est un art de la navigation.
Pourtant, ce sont les noms qui possèdent la plus grande des ambiguïtés de l’imaginaire : mieux que les lignes représentant l’altitude et les couleurs, la végétation, ils peuvent nous révéler une série de paysages. Aussi ai-je enfin compris que l’entrée de l’utopie ne se dissimulait pas dans les profondeurs des montagnes et de forêts, ni non plus dans quelque recoin des vastes étendues désertiques, mais dans les noms eux-mêmes.
Extraits de Subtopie et Unitopie de Dung Kai-cheung (Hong Kong)
Partager avec vous encore quelques échos à ce thème des cartes et territoires :
Il n’y a qu’une seule lutte humaine vraiment sérieuse : la lutte pour être l’auteur de sa propre carte intérieure.
Mohamed Mbougar Sarr, revue IntranQu’illités
Chercher son chemin sur une carte routière est le meilleur moyen de se perdre dans ses pensées.
Sylvain Tesson, Aphorismes dans les herbes et autres propos de la nuit
Des plaines de l’Oural aux monts d’Atlas
La terre à grande ampleur déplie ses rides
Des plans jaunis de son vieil atlas
L’apprenti voyageur déploie ses rêves
Pantoun d’Eliot Carmin
Et à présent, ma propre interprétation du thème « Cartes et Territoires » :
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Nouveau continent
Mes mains s’élancent sur tes pores
Tels des faucheux
à l’élégance ballerine
En douceur
Tout entière
je rampe vers toi
Lente et fébrile
à l’assaut pacifique
des territoires de ton épiderme
Je suis à l’aveugle
du bout des doigts
les creux et les reliefs
qui dessinent l’intimité de ta carte
Dénicher les sources de ton plaisir
les sentiers où murmurent tes frissons
les failles qui te font défaillir
les abysses moites où s’engloutissent
les spasmes de ta jouissance
Te conquérir
lèvres à peau
centimètre après centimètre
Déployer sur ton corps
le drapeau sans frontière
de ma chair frémissante.
Patricia Houéfa Grange
Août 2016, tous droits réservés
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