Portrait d’Omar Khayam
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J’ai découvert Omar Khayam il y a environ deux ans (Oui je sais, Shame on me !) grâce à Naly Razakandraibe qui a lu quelques-uns de ses quatrains lors d’une soirée poésie chez Paul’s Place aux Chartrons.
C’est une des raisons pour lesquelles j’aime ces soirées : elles me permettent de découvrir des poètes, des auteurs et de parfaire ma culture poétique.
J’ai tout de suite beaucoup aimé ces Rubayat (« quatrains » en persan) si épicuriens, dans lesquels transparaît l’urgence de Vivre, oui, avec un grand V !
De son vivant, Khayam, à la fois astronome et poète (entre autres), avait mauvaise réputation, considéré comme impie, libertin et ivrogne.
Je pense qu’il est peut-être né trop tôt et avait une large avance sur son temps ! Je pense aussi, qu’au contraire, il était croyant. Il croyait en la vie et était profondément conscient de son caractère éphémère et de la vanité de toute chose. Je pense que lorsqu’on atteint la pleine conscience de tout ceci, on ne peut devenir qu’épicurien. Mais épicurien au sens de la définition qu’en donne André Velter dans sa préface aux Rubayat dans l’édition de Gallimard.
Pour Omar Khayam la beauté physique et le désir qu’elle inspire, le vin et la grâce qu’il procure sont les seuls recours. Encore faut-il spécifier qu’il ne demande à la boisson qu’une ébriété légère, de celle qui aiguise les sens et l’esprit, à l’opposé d’un abrutissement lourd. Comme il importe de préciser que l’amour qu’il célèbre, que la jouissance qu’il espère, ne sollicitent guère que les éphèbes, les échansons, et les jeunes gens garants d’un plaisir insouciant, hors de toute obsession matrimoniale, et dispensé de l’épuisant souci de perpétuer l’espèce.
Si les Rubayat, par les voeux qu’ils forment, par les doutes qu’ils expriment, par les sentences désinvoltes ou désabusées qu’ils profèrent, livrent peu à peu les clés d’un art de vivre, ils manifestent surtout l’implacable lucidité de leur auteur. Ils rappellent que Khayam n’est pas un théoricien du laisser-aller, que s’il est libertin, c’est à la façon des philosophes et, en tout état de cause, plus proche des sceptiques que des hédonistes. Devant la fable du monde, il campe, incrédule, rebelle, irréductible. Un verre à la main, il se divertit de l’agitation et des mirages alentour. Il compose litanie sur litanie autour du mot « rien ». Il rit aux étoiles. N’est pas vraiment triste. Le silence des espaces infinis ne l’effraie pas.
Extrait de la préface d’André Velter.
J’aime la vie, j’aime le vin, j’aime l’amour. Je suis épicurienne, à ma façon. Et j’aime énormément boire aux capiteux quatrains de Khayam ! J’aime que ses vers soient traversés par la figure du potier et que les filles qui l’entourent soient des tulipes. Levons donc nos verres !
D’eau, de terre, en les mêlant, tu m’as formé … qu’y puis-je ?
Et cet habillement, tu m’en fis don … qu’y puis-je ?
Le bon, le mauvais dans ce que je fais, c’est Toi
Qui dans ma tête l’avait façonné … qu’y puis-je ?
***
Un nuage est venu ; de nouveau sur l’herbe ont plu des pleurs ;
Sans vin vermeil il ne faudra pas vivre ;
Cette herbe qui ce jour est notre perspective
Sera sur notre tombe la perspective de qui ?
De cette liqueur, vin d’éternité, … bois !
La somme des jouissances de la jeunesse, c’est ça … bois !
D’abord ça brûle comme du feu, mais ça brûle seulement les soucis,
C’est fait en vin de vie, … bois !
***
Quand j’ai pris mon chemin par le quartier des potiers,
En pot de vin dans les rangs des pots de vin je me suis imaginé ;
Mais j’en aurai vidé, beaucoup de pots de vin ! avant de donner
Mon argile en cadeau au fabricant de pots de vin !
Tiens le verre dans ta main comme une tulipe du mois de mai !
Puis avec la jolie aux joues de tulipe sois gai !
Bois du vin ! fais la fête ! parmi les douces journées
Le jour qui rend vieux dans l’argile va t’allonger.
***
Bien des gens, après nous, du Monde auront leur part ;
De nous nulle part de souvenir plus tard ;
Rien ne manquait sur terre avant notre arrivée ;
Tout restera de même après notre départ.