Chronique traductrice (2)

Le 14 juin 2022

C’est une phrase simple. Comme la grande majorité des phrases de ce livre. Il n’y a pas une dizaine de propositions imbriquées les unes dans les autres, accompagnées d’un cortège de verbes et de compléments. Mais il faut se méfier des phrases simples. Ce sont souvent celles qui ont été les plus travaillées par l’auteur·e.

C’est donc une phrase simple. Limpide et belle comme l’eau claire. Une traduction jaillit immédiatement en premier jet sur mon écran. Elle est correcte, mais plate. Elle ne me convient absolument pas. Je la triture et la malaxe dans tous les sens. Rien à faire, elle résiste.

Pause. Je vais laver quelques vêtements mis à tremper dans une bassine d’eau et de savon un peu plus tôt. Au départ, tout en frottant puis rinçant les vêtements, la phrase continue à me tourmenter. Puis, lentement, je me laisse emporter par le rythme répétitif de la lessive : frotter, rincer, essorer. J’apprécie l’odeur du savon qui s’élève et j’accueille la fraîcheur qui me coule le long des bras. Je m’évade sur ces gestes simples, mon esprit flotte dans les bulles irisées.

Et tandis que je tords le dernier vêtement au-dessus de la bassine pour en presser les dernières gouttes, la phrase me gicle à l’esprit. Limpide et belle. Littéralement exprimée.

Texte et vidéo : Patricia Houéfa Grange, tous droits réservés
Vidéo : Moulin de Cocussotte, Saint-Pierre-sur-Dropt, Lot-et-Garonne, août 2021



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