C’est l’heure où les oiseaux volent encore bas dans les rues. Elle ne m’est pas habituelle. Je suis plutôt une plume d’après-midi, de soirée et de nuit. Mais en cette première quinzaine d’août caniculaire où forêts et corps brûlent de l’intérieur, la clémence du petit matin m’est davantage propice. Alors, pour quelques jours, quelques semaines, je fais en sorte d’inverser le sens des aiguilles de mes horloges internes. D’autant plus que le temps est venu de m’immerger dans une étape aussi délicate qu’ultime de ma mission de traductrice : éprouver, avec un peu de recul, la qualité du rendu de l’œuvre des premiers mois de l’année.
Les épreuves, celles de mes propres livres, de mes recueils de poétesse, je pourrais les relire les yeux fermés (oui, oui, c’est une vue de l’esprit !). Mais il n’en va pas de même pour celles des livres que je traduis !
À peine savourée l’impression générale de fierté et de travail accompli, que déjà le diable se met à me narguer dans les détails. Il tressaute sur un ressort brusquement jailli d’une boîte de Pandore. Les deux anges sur mes épaules se disputent en permanence, un « Cent fois sur le métier, remettez votre ouvrage » est contré par un « Le mieux est l’ennemi du bien ». Une véritable mise à l’épreuve que cette relecture d’épreuves !
À l’orée de l’Assomption, mesure, négociations et compromis ont à nouveau fait leurs preuves ; je me calfeutre entre les pierres de l’oisiveté, lézarde telle une sangogne, et j’attends qu’enfin il pleuve !
Patricia Houéfa Grange
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