Le dit de la Cueilleuse
Patricia Houéfa Grange
Ngo Editions, Collection Esprit Mwènè, 2017
A la fin du mois d’octobre, j’ai présenté mon recueil poétique Le dit de la Cueilleuse lors d’une belle soirée à la Librairie Olympique de Bordeaux. Les échanges au cours de cette dernière étaient menés par Naly Razakandraibe.
J’ai rencontré Naly il y a déjà quelques années au Paul’s Place dans le cadre des soirées poésie mensuelles qui s’y sont déroulées pendant 6 ans, et que nous avons animées tous les deux ces dernières années.
Les premières fois que j’ai entendu Naly dire ses textes, il s’agissait de poèmes souvent sensuels, voire érotiques. Puis, au fil des ans, ses intérêts se sont déplacés vers les jeux à tendance oulipienne et désormais, il est passionné par l’anagramme. Au Paul’s Place, il nous a souvent régalés de lectures à haute voix des textes anagrammés qu’il crée à partir de poèmes de tous genres et de toutes époques, d’auteurs connus, voire classiques pour la plupart, mais pas que.
Et pour cette soirée autour du dit de la Cueilleuse, il m’a fait la surprise de créer non pas un, mais deux textes anagrammés de Cueilleuse, le poème d’ouverture du recueil. Je les partage avec vous :
Premier texte anagrammé :
île use ce lu
Le pied su, il se muscle
sculpte en ime l’île muse ime (adj.): infime
en vos marges et du néant
de gras, os fourni et
là ré-cliver réel tôt et réel tard
bluffer les heures îles
détacher l’issi, le fuser, re-finir issir (v. ): sortir de
le vers est langue décrite
pour assigner Piron à ré-rouir. rouir (v.): macérer; plonger dans
Seul écueil de mots
mots pleine tempe
la tête nue d’un vrai
argile au monde
le réel clivant et le trope réséda
nos sales proverbes
filtrent les iris si durs
quand la rime sort en excès et tisse
pour ô s’aguerrir à prisonnier.
Deuxième texte anagrammé :
Ce seuil élu
Ce pli lieu de mes seuls
ciels même si l’un peut le
sens de mon être vaguant
où se fit son regard
l’être va retordre le ciel et l’art
suffire l’heur le blesse
car s’il redéfinit les hier férus
l’ange d’écriture s’est levé
pour rien pour ré(ass)agir noir
il cède sous le muet
et mon pli t’empèse
uni et valant durée
modèle à un agir
le tarot le révèle dans le pré-cité
prose brève lassons
de finir très illustres si
le texte amure a trois des cinq sens
prônons par rire rigueur à soi.
amure (n.f.) : cordage servant à fixer une voile du côté d’où vient le vent
En relisant ces deux textes anagrammés, j’ai trouvé qu’il y avait beaucoup d’échos avec mon poème Cueilleuse, mais aussi l’ensemble du recueil.
J’ai beaucoup aimé retrouver dans le titre et le premier vers du premier texte l’esprit de mon poème Île qui commence ainsi : « Marcher jusqu’au bout de son corps,/ pied nu, coeur ouvert ». Et quelle émotion de me rendre compte qu’un vers que j’ai écrit peut s’anagrammer aussi bien en « le vers est langue décrite » que « l’ange d’écriture s’est levé », deux des vers qui me touchent le plus dans ces anagrammes ! Merci grand, Naly !
Je pourrais poursuivre encore longuement tant j’ai redécouvert mon propre poème à travers ces textes anagrammés, mais je préfère vous laisser vous, lectrices et lecteurs, qui avez déjà lu Cueilleuse, refaire votre propre lecture et vos propres pérégrinations dans le sens, les sens, l’essence. Et pour ceux qui ne l’ont pas encore lu, que ces anagrammes soient une invitation à découvrir le texte d’inspiration !
Pour finir, quelques mots sur Naly, belle haute voix, grand amoureux de Bordeaux qu’il parcourt à vélo, poète mais pas que :
Naly Razakandraïbé vit et travaille à Bordeaux. Il se définit comme un “noteur” et un “compteur”. Avec lui, la poésie est une discipline de vie et un exercice d’écriture qu’il pratique à partir de notes qu’il rédige partout où il peut. Parce que la vie est une invention, ses textes sont les “contes rendus” de ses temps de jour et de nuit qu’il mesure, remesure et démesure.
Il est l’auteur de “Et vous, comment écrivez-vous Bordeaux?” (éditions Cairn, 2008) et de “Guide secret de Bordeaux et de ses environs” (éd. Edilage (Ouest-France), 2012).
[Cette présentation de Naly a été publiée à l’origine ici]
Et moi, je l’aime beaucoup ce livre-là, autant que j’aime Bordeaux :
Grand plaisir de relire ici les anagrammes de Naly,
un bel hommage à vos talents de poètes.
Merci beaucoup, Christine ! Grand plaisir de te lire ici 🙂