Pantouns & autres poèmes du retour
Patricia Houéfa Grange
Mariposa, Editions du Papillon – Mars 2017
Monique Mérabet a lu mon dernier recueil et elle en a fait une note de lecture que je partage avec vous ici :
Cotonou, la moderne, frime
Jeu de piste pour Patricia
La maison, aux saveurs intimes
Réchauffe le cœur de Houéfa
Je n’ai pas pu résister au plaisir de glisser mon modeste pantoun parmi les pantouns (et autres poèmes) du recueil de Patricia Houéfa Grange, chantant son retour au pays natal, le Bénin.
Ce qui frappe tout d’abord, en feuilletant les pages de ce carnet, c’est cette dualité — hiatus, même — entre la ville grandie trop vite et que Patricia ne reconnaît pas et les souvenirs d’enfance revenus en ribambelles autour de la cuisine, des tissus africains, du tressage des cheveux, gestes immémoriaux d’une renaissance au monde béninois.
Pages empreintes d’émotion, d’agacement aussi lorsque Patricia Houéfa Grange décline ses ressentis mitigés de la cité nouvelle dans un poème aux accents de slam :
… Cotonou gifle ma mémoire
Cotonou piétine mes souvenirs…
Frustration de la petite fille qui connaît mais ne reconnaît pas après cette presque décennie d’absence.
Mais aussi sagesse de l’adulte devenue qui enterre ses ombres et mange ses fantômes afin de reconstruire une harmonie.
Pages tendres et sensuelles quand la revenante évoque les nourritures d’autrefois, senteurs et saveurs inoubliées, inoubliable part d’enfance demeurée inchangée au giron de la cuisine, au hasard de la vaisselle traditionnelle, de la pierre à écraser, des placards. Prose poétique des mots qui chantent et qui enchantent, mets nommés dans la langue fon originelle… ce qui les rend plus exotiques, plus attirants pour le lecteur extérieur et en même temps qui les ancre un peu plus dans l’identité de l’auteure.
Et la pèlerine (féminin de pèlerin que je suis obligée de créer moi-même) réussit alors à
Sur la terre originelle
réapprendre le temps
Apprendre aussi à se satisfaire d’un instant-fleur, d’un instant-papillon que les photos de Patricia Grange nous restituent dans leur simplicité, dans leur sérénité.
Beau carnet de voyage que l’on se plaît à feuilleter, poèmes que l’on se plaît à grappiller. Mais ce qui m’a particulièrement touchée, c’est ce qui sous-tend cet ouvrage : lorsque l’on gravite entre deux cultures, entre deux continents, entre deux couleurs de peau — métisse, et alors ? dit un autre recueil de Patricia — le retour au pays de l’enfance, de l’autre culture, ressemble à un retour d’exil.
Exil… le mot n’est pas trop fort ; même si cet éloignement est voulu et heureusement vécu en terre de France, il n’en demeure pas moins déchirure, séparation.
Et surgit la difficulté de faire cadrer avec la réalité, cette espérance de retrouver son pays tel qu’on l’a quitté.
Ah ! L’approche de la terre natale !
Dans le hublot
les lumières de la ville
Des perles d’eau
font scintiller mes cils
Puis commence le pèlerinage et l’impossible pari de
Sur la ville transfigurée
tenter de poser un calque transtemporel
D’autres poètes ont dit la difficulté de faire s’emboîter passé et présent. Ainsi Rosemay Nivard dit dans « Poésie couleur insulaire » : « Bien décrire la terre où je suis née / je ne puis ne garde qu’une frêle idée / puisque de ma mémoire il reste peu de vrai. »
Et pour moi, la Réunionnaise, émouvante aussi est l’évocation de cet arbre de l’oubli autour duquel tournaient les esclaves partant du Bénin et pour lesquels, il n’y eut pas de retour.
Raison de plus d’apprécier ce recueil sorti en plein Printemps des Poètes dédié à l’Afrique.
Les mots de Patricia Houéfa parlent au cœur, parlent à l’âme. Saluons donc la joie de celle qui a connu la grâce du retour, de celle qui connaît la grâce d’avoir un pays porteur et gardien d’enfance.
Sept fois autour de l’arbre de l’Oubli
Trois fois autour de l’arbre du Retour
Ouidah, jamais je ne t’oublie
Voici ta fille, elle est de retour.
Monique MERABET, 12 Mars 2017
Cette note de lecture a également été publiée dans le numéro 19, numéro de printemps, de la revue Pantouns.
Les mots de Monique sont très beaux. Quel plaisir de relire ici cette magnifique note de lecture !
Merci, Claire-Lise !