Couverture réalisée par Viviane Wang
à partir d’une carte historique de l’île de Taïwan
Vous qui me lisez régulièrement, vous connaissez désormais très bien la revue Jentayu, jeune revue littéraire semestrielle qui donne la voix aux plumes contemporaines d’Asie et qui permet ainsi de découvrir ces terres encore si peu connues. Après deux ans d’existence, Jentayu publie son premier hors-série, entièrement dédié à Taïwan.
Habituellement, chaque numéro de la revue est consacré à un thème. Pour ce hors-série, le trait d’union voulu n’est pas une thématique, mais un territoire. Cependant, il y a, au fur et à mesure de la lecture, un fil rouge qui se tisse entre les dix-neuf textes dont six poèmes.
Une atmosphère dense de nostalgie, voire de mélancolie, se dégage de ce recueil. Blues du passé, mais aussi de l’avenir. Plusieurs textes sont traversés de personnages fantomatiques, soit morts, soit absents au monde, « en sommeil », virtuels. Là encore, les fantômes appartiennent aussi bien au passé qu’à l’avenir.
Je ne connais pas Taïwan, mais en émergeant de ces lectures, j’ai l’impression d’avoir traversé un pays qui lutte contre le poids de son Histoire, qui tente de composer avec les cultures, langues, identités multiples dont il a héritées et qui le fragmentent en d’innombrables pièces dont il n’a pas encore tout à fait réussi à reconstituer le puzzle. Le texte « Les cassettes du professeur K’ang », de Chu Yu-hsun (Traduction de Gwennaël Gaffric) est à ce titre totalement emblématique de cette quête. Comment trouver une langue commune face à tous les dialectes qui traversent cette île ? Comment parvenir à un sentiment national, une identité nationale ?
Cependant, ce n’est pas parce qu’il y a de la nostalgie dans ce hors-série qu’il n’y a pas de regard vers l’horizon. Il y a cette petite fille qui vient prendre le vieux professeur K’ang par la main à la sortie de son long « sommeil ». Il y a cet enfant à naître dans « Zeelandia » (de Lai Hsiang-yin, traduction de Matthieu Kolatte), qui pousse sa mère à renouer son propre cordon ombilical. Et puis il y a surtout Feng-huang et Dongshu dans « Vénus » (de Chen Xue, traduction d’Olivier Bialais), identités du futur, en construction, pleines d’espoir et de rêves à vivre, au diapason de ces deux dernières phrases de la nouvelle (également les deux dernières phrases du hors-série) :
« Au plus loin de la surface de l’océan apparaît un coquillage. Dans cette coquille, il y a deux humains nouveaux-nés. »
Illustration de Xavier Wei pour
« Etude du soir : deux poèmes »
J’ai beaucoup apprécié qu’il y ait, dans ce hors-série, davantage de poèmes que le nombre habituellement publié par la revue. On passe du simple au double. Tous les poèmes m’ont énormément touchée. Avec une préférence pour :
– « Etude du soir : deux poèmes » de Chen Li (Traduction Marie Laureillard) composé des poèmes « Leçon de traduction » et « Etude de soi »
– « A la rencontre du chagrin » de Lo Chih-cheng (Traduction de Sandrine Marchand). Si j’étais musicienne, je lui écrirais une longue pièce lyrique !
Grâce à cette publication, j’ai également découvert le superbe travail de Xavier Wei qui a illustré tous les poèmes du hors-série.
Je vous conseille aussi la note de lecture très complète de Brigitte Duzan sur le site Chinese short stories.
Et pour vous procurer le véritable guide de voyage littéraire que représente ce hors-série, c’est par ici.