Prière à Dieu
Ce n’est donc plus aux hommes que je m’adresse ; c’est à toi, Dieu de tous les êtres, de tous les mondes et de tous les temps : s’il est permis à de faibles créatures perdues dans l’immensité, et imperceptibles au reste de l’univers, d’oser te demander quelque chose, à toi qui a tout donné, à toi dont les décrets sont immuables comme éternels, daigne regarder en pitié les erreurs attachées à notre nature ; que ces erreurs ne fassent point nos calamités. Tu ne nous as point donné un cœur pour nous haïr, et des mains pour nous égorger ; fais que nous nous aidions mutuellement à supporter le fardeau d’une vie pénible et passagère ; que les petites différences entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages insuffisants, entre tous nos usages ridicules, entre toutes nos lois imparfaites, entre toutes nos opinions insensées, entre toutes nos conditions si disproportionnées à nos yeux, et si égales devant toi ; que toutes ces petites nuances qui distinguent les atomes appelés hommes ne soient pas des signaux de haine et de persécution ; que ceux qui allument des cierges en plein midi pour te célébrer supporte ceux qui se contentent de la lumière de ton soleil ; que ceux qui couvrent leur robe d’une toile blanche pour dire qu’il faut t’aimer ne détestent pas ceux qui disent la même chose sous un manteau de laine noire ; qu’il soit égal de t’adorer dans un jargon formé d’une ancienne langue, ou dans un jargon plus nouveau ; que ceux dont l’habit est teint en rouge ou en violet, qui dominent sur une petite parcelle d’un petit tas de boue de ce monde, et qui possèdent quelques fragments arrondis d’un certain métal, jouissent sans orgueil de ce qu’ils appellent grandeur et richesse, et que les autres les voient sans envie : car tu sais qu’il n’y a dans ces vanités ni envier, ni de quoi s’enorgueillir.
Puissent tous les hommes se souvenir qu’ils sont frères ! Qu’ils aient en horreur la tyrannie exercée sur les âmes, comme ils ont en exécration le brigandage qui ravit par la force le fruit du travail et de l’industrie paisible ! Si les fléaux de la guerre sont inévitables, ne nous haïssons pas, ne nous déchirons pas les uns les autres dans le sein de la paix, et employons l’instant de notre existence à bénir également en mille langages divers, depuis Siam jusqu’à la Californie, ta bonté qui nous a donné cet instant.
Voltaire
Traité sur la tolérance, Chapitre XXIII
Oui, je l’avoue, je ne connaissais pas ce texte, je ne l’avais jamais lu jusque-là. Je l’ai entendu pour la première fois le jeudi 8 janvier dernier, lors de la première soirée Poésie chez Paul’s Place de cette année 2015 à Bordeaux. C’est Marie Beaupuy qui nous l’a lu, alors que nous étions tous secoués par l’attentat chez Charlie Hebdo qui avait eu lieu la veille, et que nous ne savions pas encore que l’horreur allait se poursuivre toute la journée du lendemain …
Ce texte ainsi que l’oeuvre dont il est extraite ont une résonance particulière aujourd’hui, actuellement. A tel point qu’il a accompagné de nombreux marcheurs du 11 janvier. A tel point que la maison d’édition Folio-Gallimard en a annoncé une nouvelle impression à 10000 exemplaires.
C’est avec ce texte que j’ai décidé de mettre un terme à la léthargie poisseuse et pesante dans laquelle je me suis peu à peu engluée depuis le 7 janvier. C’est avec ce texte que j’ai décidé de m’extirper de cette espèce de catatonie qui avait quelque peu paralysé ma plume …
It’s a new dawn
It’s a new day
It’s a new life
For me
And I’m feeling good …
Merveilleux texte! Et je suis heureuse que tu aies retrouvé les champs (chants) de la vie. Nous avons tant à y faire!
Et le bonheur de réécouter Nina Simone…
Merci Monique ! Nina Simone est intemporelle et cette chanson en particulier fait tellement de bien !!!
Oui, nous avons tant et tant à faire !!! La vie n’y suffira certainement pas, mais le peu de temps dont je dispose de ce côté-ci des mondes, je voudrais en profiter pleinement, jusqu’au coeur essentiel de chacune de ses gouttes !