Il y a quelques semaines, j’ai englouti en deux heures la première saison de la web-série ghanéenne An African City, créée par Nicole Amarteifio.
Depuis le printemps dernier, j’en entendais parler un peu partout autour de moi : sur les réseaux sociaux, sur les blogs, dans les conversations et les magazines chez la coiffeuse, etc., etc.
Une véritable révolution ! Une série qui ne laisse personne indifférent et qui déchaîne les passions. La plupart du temps, on aime ou on déteste. J’ai tout de même trouvé quelques avis plus nuancés, mais plutôt positifs. Le mien se rapproche de ceux-là, même si au final, je peux quand même parler d’un gros coup de coeur !
Alors, de quoi ça parle ?
De cinq jeunes femmes (la trentaine) ghanéennes ayant vécu une bonne partie de leur vie en Occident et qui décident de rentrer dans leur pays et ville natale (Accra, Ghana), pour « se trouver » comme on dirait chez moi. Ces personnes qu’on appelle returnees (qu’on pourrait traduire par « ceux qui sont de retour »). Evidemment, ces jeunes femmes reviennent avec ce « bagage » occidental qui les a profondément marquées. Et si elles sont toujours Ghanéennes, elles ne sont pas que cela. Elles sont occidentalisées, présentent un métissage culturel.
La série raconte ce retour, ces retrouvailles avec la ville natale, souvent idéalisée lorsqu’on est loin d’elle, et qui peut parfois présenter des facettes décevantes lorsqu’on la retrouve pour de bon, pour y vivre à nouveau. Elle raconte, à travers les petites anecdotes de ces cinq copines, la difficulté de se réadapter, de parfois se sentir « étrangeté » dans son propre pays. Trouver un logement, trouver un emploi, trouver l’amour, avoir un régime végétarien, entretenir des cheveux naturels, être portée sur les sex toys, autant d’occasions de tirer sur le fil de ce mystère qu’est l’identité, la perception que les autres ont de ce que vous êtes et les étiquettes qu’ils vous attribuent …
Forcément, ces thèmes me parlent. Forcément, malgré tout ce qu’on peut reprocher par ailleurs à cette série, cela m’a réellement fait plaisir de voir une telle création et j’ai tellement ri en la regardant ! Une vraie bouffée d’air frais. J’ai retrouvé un peu de moi dans chacun des cinq personnages. Mais je m’identifie plus particulièrement à celui de Nana Yaa (interprétée par la sublime MaameYaa Boafo) qui est le personnage principal.
Plutôt que de poursuivre en un long exposé, je préfère vous résumer en quelques points ce qui m’a réellement plu dans cette série et ce qui peut éventuellement la desservir :
Mes plus :
– Le thème principal abordé : le métissage culturel
– Une autre vision de l’Afrique et des femmes africaines : la série met en scène cinq femmes indépendantes, aisées, qui vivent et se retrouvent dans des lieux luxueux (c’est un « plus » que certains considèrent comme un « moins »). On est loin des images habituelles de misère et de soumission. De plus, ces cinq filles abordent librement toutes sortes de sujets dans leurs conversations, notamment celui du sexe. Pour ma part, c’est la première fois que je vois une série africaine où des femmes africaines parlent ainsi de sexe ! C’est rafraichissant !
– Une certaine part de féminisme (oui certain(e)s trouveront cela discutable) : ce sont des femmes qui s’affirment. Il y en a une qui a divorcé parce que son mari la considérait davantage comme un chef devant réaliser trois repas par jour que comme une femme. Ces cinq copines n’ont pas toutes le teint clair, toutes les carnations sont représentées. Plusieurs d’entre elles portent des cheveux naturels, crépus (quand on sait que la plupart des femmes africaines ont les cheveux défrisés et/ou portent des tissages). Nana Yaa refuse la facilité de se faire entretenir par un sugar daddy et utilise ses propres économies pour la location de son appartement, etc. etc.
– La mise en valeur d’une capitale africaine et des créateurs africains : cette série constitue un véritable guide de sortie dans Accra, étant donné que Nana Yaa et ses amies se retrouvent dans les bars, restaurants et autres lieux trendy et chics de la ville. Elles sont toutes parées de superbes créations textiles, souvent métissées, car mélangeant le wax et d’autres tissus africains à des textiles et coupes occidentales. Et que dire de leurs coiffures !!! (J’ai un gros faible pour l’ensemble du look vintage de Nana Yaa). La bande originale de la série est 100% made in Africa !
– Les débats que la série engendre : Il est très instructif de lire les dizaines de notes de blog (la plupart en anglais cependant) concernant cette série. Il est encore plus instructif de lire les commentaires laissés par les lecteurs sur ces notes.
Etant moi-même née dans une capitale africaine et vivant actuellement en France, la question d’un éventuel retour me flotte parfois à l’esprit. Cela m’arrive d’imaginer ce que pourrait éventuellement être ma vie si je retournais au Bénin, même si pour le moment je n’envisage de vivre qu’en France. J’ai imaginé beaucoup de petits problèmes et obstacles qu’il faudrait franchir. Mais je ne m’étais jamais dit qu’une returnee pouvait ne pas être la bienvenue et ne pas être accueillie avec bienveillance par ceux restés sur place. Beaucoup de ces personnes n’aiment pas vraiment les returnees. Ils les trouvent souvent prétentieux et estiment qu’ils agissent comme si tout leur était dû … Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.
Eventuels moins :
– La série met en scène des femmes appartenant à un milieu aisé et influent. Certains trouvent ça irréaliste. Pourtant cette classe africaine très aisée existe. Je peux le certifier. On ne la connaît pas beaucoup en Occident, mais elle existe. Cependant, il est vrai qu’elle ne représente qu’un faible pourcentage de la population africaine. Et beaucoup des détracteurs de la série lui font justement ce reproche.
Mais lorsqu’on sait que cette série s’est inspirée de Sex and the City, le choix de situer les personnages dans cette frange de la population est totalement justifié. D’autant plus que ces filles sont censées avoir toutes fait de brillantes études en Occident. Il n’y a pratiquement que les familles africaines aisées qui disposent des ressources nécessaires pour soutenir financièrement des étudiants dans un pays occidental.
Et puis, il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’une série, à savoir d’une fiction destinée au divertissement.
– Les personnages sont peu développés, caricaturaux et peuvent parfois paraître condescendants.
Mais là aussi, il y a une explication. D’après ce que j’ai pu lire comme interviews ici et là, Nicole Amarteifio, la créatrice de la série, a eu l’idée de la créer alors qu’elle venait elle-même de rentrer au Ghana, qu’elle cherchait du travail, était désoeuvrée et s’ennuyait. Elle a tourné la première saison (en quelques semaines) essentiellement pour s’occuper et ne se doutait pas du succès qu’elle allait rencontrer.
– Pour le moment, la série n’est disponible qu’en anglais. C’est dommage car un vaste public francophone serait intéressé. Bientôt une version en V.O. sous-titrée ?
Voilà, comme vous l’avez remarqué, il y a davantage de « plus » que de « moins » pour moi. On peut reprocher pas mal de choses à An African City, mais cette série bouscule beaucoup de clichés et à cet égard, elle a vraiment le mérite d’exister ! Je considère l’ensemble de cette première saison comme une saison pilote et j’attends la saison 2 pour me faire un avis définitif.
D’après ce que j’ai également lu, le tournage de la deuxième saison sera entamé en décembre. Il n’est pas exclu que Lupita Nyong’o y fasse une apparition. Et Nicole Amarteifio promet de travailler davantage ses personnages, en creusant profondément dans leur histoire. J’ai hâte !
D’ici là, quelques clics et liens pour vous aider à faire connaissance avec AAC si ce n’est déjà fait :
– Le site Internet de la série
– La chaîne YouTube dédiée pour regarder tous les épisodes et toutes les vidéos
– Article (en français) sur Afrik.com
– Note de blog (en anglais) sur Rambling Roommates (Blog de deux Ghanéennes rentrées chez elles après une expérience d’expatriation)
– Critique (en anglais) sur This is Africa
– Interview de Nicole Amarteifio sur This is Africa
– Interview de Nicole Amarteifio sur AfriPop
Si la série vous plait, pensez à vous inscrire et à la soutenir pour que Nicole Amarteifio puisse tourner une très belle saison 2 et au-delà !
Love the show and can’t wait to see more of it
Loved it too, Herve ! Craving for Season 2 !