La campagne défile derrière
les vitres du train.
Je savoure des makis.
Mariposa
Haïku …
Sushi
de l’esprit.
Mariposa
Ce fut un éblouissement. Ce qui franchit ainsi la barrière de mes dents, ce n’était ni matière ni eau, seulement une substance intermédiaire qui de l’une avait gardé la présence, la consistance qui résiste au néant et à l’autre avait emprunté la fluidité et la tendresse miraculeuses. Le vrai sashimi ne se croque pas plus qu’il ne fond sur la langue. Il invite à une mastication lente et souple, qui n’a pas pour fin de faire changer l’aliment de nature mais seulement d’en savourer l’aérienne moelesse. Oui, la moelesse : ni mollesse ni moelleux ; le sashimi, poussière de velours aux confins de la soie, emporte un peu des deux et, dans l’alchimie extraordinaire de son essence vaporeuse, conserve une densité laiteuse que les nuages n’ont pas.
Muriel Barbery, Une gourmandise, Gallimard, 2000
***
On apporte deux petits plateaux de bois épais, sans bords, surmontés de morceaux de poisson cru.
– Sashimis, dit Kakuro. Là aussi, vous trouverez du poulpe.
Je m’abîme dans la contemplation de l’ouvrage. La beauté visuelle en est à couper le souffle. Je coince un petit bout de chair blanc et gris entre mes baguettes malhabiles (du carrelet, me précise obligeamment Kakuro) et, bien décidée à l’extase, je goûte.
Qu’allons-nous chercher l’éternité dans l’éther d’essences invisibles ? Cette petite chose blanchâtre en est une miette bien tangible.
Muriel Barbery, L’élégance du hérisson, Gallimard, 2006