J’ai découvert la poésie de Shizue Ogawa fin 2008 dans le numéro 42 de la revue Poésie/Première dans lequel la traduction en français de certains de ses poèmes avait été publiée. J’avais été happée par le rapport à la nature et au monde de cette poète. J’avais notamment été particulièrement touchée par son poème « L’eau » que j’avais par la suite publié ici dans la rubrique poésie que j’anime sur le site « I love Saint Emilion ».
Puis, en octobre dernier, Shizue Ogawa était de passage à Bordeaux. L’occasion de plusieurs lectures bilingues japonais/français. Je garde en mémoire de très jolis moments passés à l’écouter lire à la Librairie Olympique. L’occasion d’acquérir également ce magnifique recueil :
« Une âme qui joue »
Shizue Ogawa
Ed. A bouche perdue, Collection Pangée, 2010
(recueil bilingue japonais/français)
Ce recueil est divisé en quatre parties correspondant chacune à des recueils poétiques publiés en japonais et au Japon par Shizue Ogawa. Chaque partie est liée à un « élément » de la nature : l’eau, les flammes, les sons.
La poésie de Shizue Ogawa est dépouillée et esthétique. Elle s’adresse à la nature comme à un être vivant. Et parfois même, elle se dissout et se confond non seulement avec la nature mais avec le moindre objet autour d’elle. L’infiniment petit et l’infiniment grand sont intimement liés. La poète ne fait qu’un avec le plus petit caillou et avec l’univers. C’est ce qui m’a particulièrement touchée dans son travail poétique. C’est un écho de mes ressentis.
Quelques extraits :
Nuit
Je marchais la nuit tenant un bouquet de roses.
Nous marchions tous les deux sur le sentier sombre.
Tu étais devant moi et tu te retournas.
Tes yeux pleuraient en regardant les roses.
« Ah, ton coeur que je ne peux comprendre, »
disaient tes larmes.
C’était moi qui tenaient les roses.
Tes yeux pleuraient dans mon sein.
« Je te donne
ces roses rouges,
mes roses préférées » as-tu dit.
Ah ! mon coeur que je ne puis comprendre !
C’est ma main qui essuie les larmes que tu versais sur les roses.
C’est ma main qui maintenant tient ce bouquet de regret,
la main qui autrefois t’avait frappé.
Marche plus lentement, veux-tu ?
S’il te plait, plonge ton regard dans mes yeux,
Je marche sur un sentier sombre la nuit
tenant tes roses préférées si près de mon sein.
Maintenant, je puis te rendre ton sourire
Vagues
J’aimerais lancer une pierre
dans les vagues apaisées d’un lac.
Qui ouvrirait les yeux
et pousserait un cri.
J’aimerais lancer
des mots d’amour dans ton coeur.
Etonné tu te retournerais pour me regarder.
Des rides apparaîtraient sur ton coeur solitaire.
J’aimerais recueillir ces rides dans mes mains.
De l’intérieur tes paroles
lèveraient les yeux vers moi et diraient
« Ô merveille! »
Un flacon de parfum en verre égyptien
Un jour parfumé de printemps, et malgré
la présence de mon compagnon, je me sentais seule,
mélancolique sous le poids de l’espoir.
Du bouchon d’un flacon de parfum en verre égyptien,
s’échappait une légère fragrance.
La senteur d’un lotus cueilli le matin
tremble dans le flacon de verre
délicatement teinté d’ambre transparente.
Après tout, ce n’est pas de l’ambre
mais une fine et fragile goutte de larmes de lotus.
« Mon amour, ce parfum … »
Sur la paume de mon compagnon
je dessinerai un petit « un »
qui dira que mon coeur est bien seul.
Verse la douce musique d’une fleur de lotus qui s’ouvre
dans le flacon en verre du désert.
Verse la pure solitude du matin
dans le flacon.
Et le recueil se referme sur un entretien très intéressant entre Shizue Ogawa et Michèle Duclos (une des traductrices du recueil de l’anglais au français)/
Un tout dernier petit poème de Shizue Ogawa, publié dans le numéro 64 de la revue Traversées et présenté par Rome Deguergue :
SMALL SHELL BUTTERFLY
The skies are always clear
when I see him.
At the top of steep stone steps
you would see carved letters on tombs.
« Look ! A blue butterfly, »
he pointed.
As if averting our eyes
the butterfly hovered
up
and down
like a « lie. »
The moment it disappeared behind a tomb
I told him,
« I love you with all I have »
PETIT PAPILLON NACRE
Le ciel est toujours clair
quand je le vois.
En haut de marches en pierre abruptes
on pouvait voir
des lettres gravées sur des tombes.
« Regarde ! Un papillon bleu ! »
montra-t-il du doigt.
Comme s’il évitait notre regard
le papillon s’éleva,
redescendit,
– un vrai mensonge !
Il disparaissait derrière une tombe
quand je lui dis :
« Je t’aime de tout mon être. »