Rencontres – La candeur

Le 2 septembre 2019

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Les stations défilent le long des quais. Je suis rentrée de voyage il n’y a pas très longtemps. J’ai à nouveau été éblouie par l’architecture de la ville où je viens de séjourner pour la quatrième fois. Mais pour la xième fois, depuis mon cocon dans le tramway, je tombe amoureuse des façades bordelaises du XVIIIème que le crépuscule saisit en ses couleurs d’aquarelle. Je me dis que c’est vraiment beau d’habiter ici, que je ne m’en lasse pas, que je ne peux pas m’en lasser. Et je me laisse enlacer par un bien-être délicieux.

J’ai fermé les yeux. Inconsciemment. Lorsque je les rouvre, il y en a deux autres qui les observent. Ils sont petits et noirs. Emplis d’étincelles. Une nuit étoilée. Le visage qui les porte, poupin, penche d’un côté. Je ne vois pas les lèvres. Elles disparaissent derrière une tétine. Mais c’est l’ensemble de cette frimousse au teint frais qui sourit. Sans me lâcher des étoiles.
La main potelée avance un petit index vers ma peau, m’effleure, me touche, descend le long de mon épiderme. Puis m’agrippe avec autant de fermeté que d’affection. Grande bouffée de tendresse. Ses doigts menus se referment sur mon bras contre lequel il pose sa tête. Il la relève à nouveau vers moi, me regarde tout sourire, serré contre moi. Sans autre mot que cette risette et ce câlin spontanés. Peau à peau, yeux dans les yeux.
La maman n’est pas loin et, du coin de l’œil, relève le coin des lèvres à mon intention.
La Garonne accompagne le trajet de sa respiration chocolat flambé.

Il est temps pour mon petit compagnon de descendre du tram. Menotte enveloppée dans la paume de sa mère, ses yeux restent chevillés aux miens jusqu’à la fermeture des portes. Submergée d’émotion.

De ces moments de grâce non plus, je ne me lasse pas. Et je me laisse enlacer par la délicatesse de l’instant.

Patricia Houéfa Grange
Tous droits réservés

Dessin de Fred Bravo

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