Lettre à mon dress-ring

Le 21 janvier 2019

Photo : Justin Alexander Bartels

Lettre à mon dress-ring

Tu m’enlaces
moi ta bombasse
Tu m’embrasses
moi ta badass

Tu me serres
en tes serres
Tu m’enserres
en tes fers

Tu m’imprimes
tu m’comprimes
tu m’abîmes
tu m’déprimes

Tu me marques
tu te démarques
Monarque
oligarque

Tu me creuses
perforeuse
douloureuse
dangereuse

Tu me pinces
encore plus mince, toujours plus mince
Tu me coinces
et je grince, et je grince

Tu me coupes
lame de coupe-coupe
Tu m’découpes
tailles dans la croupe, dans la croupe

Tu t’aiguises
et m’incises
Tu me brises
à ta guise, à ta guise

Tu m’lacères
dilacères
éviscères
incarcères

Tu m’étouffes
tu me bouffes
Plein la touffe
de tes fouffes

J’inspire
tu m’expires
Je soupire
tu m’aspires, tu m’aspires

Tu m’esquintes
enfonces tes pointes
J’suis disjointe
tu m’fous la quinte

Tu me plies
scarifies
asphyxies
crucifies

Tes mirages
me ravagent
J’ai la rage
J’ai la rage

T’es pas le seul qui m’aille
j’te le dis sans faille
sale racaille
tu me dailles

Ô miroir, insolent miroir
qui est la plus cruelle
de ce singulier duel
Ô miroir, mon lent mouroir

J’en ai marre
de ce cauchemar

Tu me laces
tu me casses
tu m’les casses
je suis lasse

Des pieds à la tête
mon corps tempête
ma chair rouspète
Tu m’les pètes
j’te l’répète
suis pas ta poupette
suis pas ta poulette

J’en ai marre
de ce cauchemar

J’en peux plus
d’être vêtue
de tes vertus
du statut de la statue

Je m’suis tue
mais j’en peux plus
Tu me tues
Tu me tues

J’en ai marre
de ce cauchemar
J’veux qu’tu te barres
j’veux qu’tu te barres

Je te rends tes ciseaux
je te rends ton couteau
Ôte ton sceau
de ma peau

Patricia Houéfa Grange
Tous droits réservés

Photo : Justin Alexander Bartels

Ce poème m’a été inspirée par la série Impression de Justin Alexander Bartels.
Vous vous en doutez certainement, c’est un écrit pour le dit, un poème à scander.
J’y ai glissé une ou deux expressions du parler bordelais (comme ça daille ou avoir la quinte) qui est un parler que j’affectionne. J’ai aussi fait un petit emprunt à Ménélik.
La version sonore est disponible ici.
Et pour en savoir plus sur les dangers des vêtements trop serrés ou pas, c’est par ici et par .



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