Afropolitaine 2 – Carte d’identité ?

Le 12 octobre 2014

papiers

Carte d’identité ?

Un numéro pour le document.
(Pour marquer la personne du sceau d’un « code-barres » ?)
Une photo en noir et blanc.
(Qui ne me ressemble plus déjà).
Deux noms.
Un pour la naissance. Un pour le mariage.
Quatre prénoms.
Deux en français. Un en fon. Un en mahi.
Un sexe.
Une date et un lieu de naissance.
Des centimètres pour indiquer une taille.
Une signature brouillée.
Une adresse.
Une nationalité.
(Implicite. Voir en-tête du document).
Une date de délivrance et une date d’expiration.
(L’identité a-t-elle une date de péremption ?)

Je refuse d’être enfermée dans un rectangle de papier. Je refuse qu’on ose appeler ça ma « carte d’identité ». Dites « carte d’identification » si cela vous chante. Mais, s’il vous plait, non, n’appelez pas ça « carte d’identité ».

Mes noms et mes prénoms me plaisent et je n’en veux pas d’autre. Le lieu où j’ai germé et celui où je fleuris, je les chéris de tendresse. Les drapeaux brandis en étendard par mon sang, je les aime et les respecte. Je n’ai rien choisi mais je serre tout très fort à deux bras contre moi.

MAIS ! MAIS ! MAIS !

Mon identité ne saurait être déterminée par des dates, des chiffres, des noms et des lieux. Mon identité est un serpent qui danse, faisant onduler ses anneaux en volutes imprévisibles. Mon identité est un mouvement perpétuel. Ce que je suis aujourd’hui n’est pas ce que je serai demain.

Mon identité n’est pas définie. Mon identité n’est pas finie. Mon identité est infinie.

Je ne suis pas prisonnière des frontières d’un rectangle de papier.

Je n’ai pas eu le choix des mots et des chiffres que vous avez inscrits sur ce carton. Mais j’embrasse et je porte haut le choix d’être et de devenir ce que je suis et serai.

Je ne suis pas prisonnière des frontières d’un rectangle de papier.

Identifiez-moi si vous voulez. Imposez-moi, si vous voulez, le tatouage virtuel de vos informations de contrôle. Mon identité, vous ne pourrez jamais la fixer comme une image sur un négatif. Elle vous filera toujours entre les doigts. Même moi je ne la maîtrise pas.

Je ne suis pas prisonnière des frontières d’un rectangle de papier.

Le monde est le ventre de ma mère et il ne cesse de m’accoucher.

Je ne suis pas prisonnière des frontières d’un rectangle de papier.

Mariposa, Bordeaux, 6 octobre 2014

Ce poème aurait pu faire partie de mon recueil Métisse. Et alors ? S’il était venu, si je l’avais écrit plus tôt. Qui sait ? Peut-être un jour ferai-je un Tome 2 à cet ouvrage ?



2 grains de pollen to “Afropolitaine 2 – Carte d’identité ?”

  1. Monique dit :

    Superbe texte, Patricia! Puissant. Et le coup d’envoi d’un autre ouvrage métis, n’en doutons pas.

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