Mélancolie du déluge

Le 16 avril 2019

Mélancolie du déluge
Patrick Breton
Au Pays Rêvé, 2017

Sur les eaux du grand désastre
flottent des éperons d’ancolie
Les âmes sauvées par les astres
surnagent la mélancolie

Patricia Houéfa Grange
Tous droits réservés

J’ai écrit le pantoun ci-dessus il y a une quinzaine de jours, en émergeant de la lecture de Mélancolie du déluge de Patrick Breton. Voici un livre à bord duquel il ne faut pas embarquer lorsqu’on est en état de dépression ou de déprime ! Et pourtant voici un livre lumineux.

Tout y est concentré. Toutes les peurs et les angoisses qu’on peut légitimement ressentir actuellement face à toutes les crises et catastrophes qui semblent se préparer : dérèglements climatiques, environnement bafoué, ressources de la planète malmenées, montée en puissance des extrémismes, accentuation des replis identitaires ou communautaires, Histoire qui paraît bégayer. Il semble en effet faire un temps de fin des temps. Ou du moins de fin d’un monde « tel qu’on l’a connu ». Car au final, sans vouloir le déflorer, ce que dit ce roman, c’est qu’un autre monde est toujours possible et qu’on peut se survivre à soi-même.

Mais pour parvenir à la rédemption, il faut d’abord traverser l’apocalypse. Dans cet enfer, les affres de l’effondrement intime se reflètent dans l’écroulement d’une « civilisation » et vice-versa. Et c’est cette construction en miroir entre les états d’âme et d’être d’un protagoniste et de sa famille d’une part, et la situation climatique et politique d’autre part, qui donne à cet ouvrage une structure de pantoun. D’où mon inspiration.

Quatrième de couverture :

Été 2022, caniculaire. Les Populistes viennent tout juste de l’emporter. Le temps est à la catastrophe. Un homme s’enfuit d’un foyer psychiatrique de l’arrière-pays niçois. Son frère le rejoint. Tous deux à leur manière attendent, espèrent peut-être le déluge. La nature leur donnera raison. Dans cette fable du désastre où se mêlent les effondrements intime, climatique et politique, une famille se défait et se répare.

« Peu après la Grand Vague, à la fin d’un hiver qui devait rester dans les mémoires, je trouvai refuge dans un de ces ensembles de bungalows baptisés Camps 2023 qui avaient envahi tout l’arrière-pays. Quand je dis qu’on avait tout perdu, je ne parle même pas de notre maison, tout juste la partie émergée de l’iceberg. En un sens, cette table rase me convenait. Depuis que la nature avait décidé de notre sort, il n’y avait plus rien dont on puisse se sentir personnellement responsable et c’était un soulagement sans nom. (…) Près d’un an après les événements relatés dans ce livre, la disparition de mon frère un matin de juin m’est apparue comme un point de départ. Il me semblait que la crise qui devait s’achever avec le malheur que l’on sait avait commencé là, dans l’effondrement intime qui faisait écho à celui du ciel, à la tourmente d’une société aux abois qui avait abdiqué de tout ce qui la tenait debout et qui maintenant prospérait sur l’amnésie générale. Oui, il m’avait semblé que tout cela conjugué ouvrait un horizon à la page blanche. »

On se laisse vite emporter par le récit de Patrick Breton, au style à la fois simple – au sens noble du terme – et poétique. L’esprit des poésies orientales, asiatiques flotte dans l’essence de ce roman. Le lien intime entre l’être humain et la nature, entre les déséquilibres individuels et les tragédies familiales, l’infiniment grand et l’infiniment petit. Paradoxalement, dans cette ambiance de cataclysme, on ressent tout l’attachement de l’auteur à cet arrière-pays niçois que j’ai trouvé si beau à travers ses mots et qu’il m’a donné envie de découvrir.

Il faut tout de même que je vous dise que Patrick Breton a été mon professeur de lettres plusieurs années consécutives entre la fin de mon collège et le début de mon lycée à l’E. F. E. Montaigne de Cotonou. Il est le principal responsable de mon goût pour la littérature en général, et la poésie en particulier. Il fait partie des personnes qui m’ont encouragée à écrire et il est très important pour moi sur mon chemin de poète. Cette lecture était donc porteuse d’une charge émotionnelle particulière pour moi.

Mélancolie du déluge est le deuxième roman de Patrick Breton, après Cotonou, chien et loup, inspiré de ses années Bénin. Je n’ai pas encore lu ce premier opus, mais je vais vite réparer !

Et je conclurai avec cette parole de sagesse qui me semble faire un bel écho à cette Mélancolie :

Toute la responsabilité du bien et du mal repose sur toi.
C’est une grande source d’espérance.
Ce que tu as fait, tu peux le défaire.

Swami Vivekananda



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