Hommage à la première pleine lune de 2014

Le 26 janvier 2014

nuclairdelune_flavien sempereTableau de Flavien Sempéré

Oui, je sais, la pleine lune de janvier, c’était il y a une dizaine de jours maintenant ! Mais j’ai envie de vous la faire revivre, comme si telle une fée, je la faisais revenir dans nos cieux ! En plus, elle a été magnifique cette première lune de l’an 14. Et cette nuit de pleine lune m’a marquée pour deux raisons :

– En cette nuit de pleine lune de janvier, le passage du livre que je lisais parlait lui aussi de pleine lune
– Dans mes rêves de cette nuit-là, une personne chère disparue est venue me rendre visite …

auclairdelune_louis-jean galTableau de Louis-Jean Gal

Quand j’ouvris les yeux, j’eus l’impression de vivre la suite de mon rêve. La pièce baignait dans la lumière blafarde de la lune. Je me mis instinctivement à la recherche des oiseaux métalliques sur le sol, mais il n’y en avait pas, bien sûr. Seule Naoko, assise toute droite au pied de mon lit, regardait dehors. Elle avait posé son menton sur ses genoux repliés, comme un enfant affamé. (…) Comme tout à l’heure, elle portait une sorte de robe de chambre bleue, et ses cheveux étaient retenus sur le côté par sa barrette en forme de papillon. Je pus ainsi voir très nettement son joli front éclairé par la lune. Je trouvai cela curieux. Avant de dormir, elle avait enlevé sa barrette.

Elle restait immobile dans la même position. Elle ressemblait à un petit animal nocturne attiré par le clair de lune. L’ombre de ses lèvres était amplifiée par l’angle du rayon de lune. Cette ombre qui semblait si fragile tremblotait au rythme de son coeur. Comme si ses lèvres chuchotaient des mots inaudibles à l’adresse des ténèbres.

(…) Alors, comme répondant à un signal, Naoko se releva et vint s’agenouiller sur le sol à mon chevet, dans un léger froissement de tissu, pour me regarder dans les yeux. Je lui rendis son regard mais ses yeux ne me parlaient pas. Ses prunelles étaient d’une limpidité presque artificielle, et j’eus l’impression que je pourrais peut-être apercevoir l’autre monde à travers elles. (…)

Je tendis la main pour essayer de la toucher, mais elle se recula rapidement. Ses lèvres frémirent. Elle leva les mains et commença lentement à déboutonner sa robe de chambre. Il y avait sept boutons en tout. J’observai ses beaux doigts fins déboutonnant les boutons l’un après l’autre, et je croyais rêver. Quand elle eut entièrement déboutonné ces sept petits boutons blancs, elle enleva sa robe de chambre en la faisant glisser sur ses hanches, comme un insecte lors de la mue, et se retrouva nue. Elle n’avait rien dessous. La seule chose qu’elle avait sur elle était cette barrette en forme de papillon.

Extrait de La Ballade de l’impossible
Haruki Murakami, Belfond 2007

Nue Pleine Lune

Pleine lune de janvier.
Une âme chérie
a visité mes rêves.

Mariposa,
nuit de la pleine lune de janvier 2014



8 grains de pollen to “Hommage à la première pleine lune de 2014”

  1. Monique dit :

    Pour oi aussi elle fut mémorable cette lune: les belles de lune épanouies sur mon balcon. Et puis elle était particulièrement brillante, je trouve.
    Une des raisons pour lesquelles j’aime Murakami; il parle toujours de la lune.

    • Mariposa dit :

      Tout à fait, la lune est très présente chez Murakami, notamment dans « 1Q84 » où elle se dédouble carrément !
      Le papillon aussi est très présent chez lui, qu’il soit animé et volant dans une serre (« 1Q84 » toujours) ou inanimé en décor sur une barrette !!!

  2. Claire-Lise dit :

    La lune et la nuit sont omniprésentes dans les romans d’Harukami ainsi que la musique, le jazz notamment, les chats, les âmes solitaires. J’adore cet auteur dont j’ai à peu près tout lu. Son roman le plus fort et le plus énigmatique, de mon point de vue, est « Kafka sur le rivage ». C’est celui qui m’a le plus impressionnée. Mais « La ballade de l’impossible » reste mon roman préféré de cet auteur pour la poésie qui palpite tout au long du récit.

    • Mariposa dit :

      Je n’ai pas encore tout lu de Murakami mais je suis du même avis que toi. Le premier que j’ai lu c’est « Kafka sur le rivage » qui m’a vraiment à la fois déboussolée et impressionnée. Mais je chéris tendrement désormais « La ballade de l’impossible ». Je sais que j’y replongerai souvent. « La poésie y palpite », c’est tout à fait ça.

  3. François dit :

    Très beau haïku ! Pas un mot de trop, et pas un mot ne manque, tu fais bien partager la force de ton ressenti, je soupçonne l’évacuation d’un trop plein d’émotion au réveil par l’écriture… je viens de lire il y a quelques jours un auteur qui disait en substance, si tu es en colère, écris sur ta colère et elle disparaîtra ( c’était Soseki, dont j’aime beaucoup les haïku, je retrouve son nom tout en écrivant ), on dit la même chose pour un enfant qui souffre, verbaliser évacue en partie la souffrance.

    • Mariposa dit :

      Merci beaucoup François ! J’écris en effet souvent le matin ou tard dans la nuit.
      C’est drôle ce que vous dites sur l’écriture ou la verbalisation. En ce moment, je lis un recueil de nouvelles dans lequel l’auteur parle de l’écriture comme d’un exorcisme.

  4. François dit :

    La femme d’un excellent écrivain de SF et de polar, Fredric Brown, disait de lui : » il détestait écrire, mais il adorait avoir écrit ! », je signe des deux mains cette phrase, je ne suis qu’un homme mais je parlerai aussi d’accouchement, délivrance, soulagement, il y a une grande tension douloureuse à vouloir dire « juste », le mot « juste, l’idée « juste », et le vrai, la non-tricherie. Le plaisir d’écrire ? hum ! ce n’est pas pour moi, oui ! oui ! docteur, je me prends beaucoup trop la tête ! oui ! oui ! je vais lacher-prise ! takakrouar !
    Je continue de butiner sur le site, j’y fais plein de belles trouvailles, merci bien !

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