La voix de son être

Le 12 juillet 2016

Labo des Lettres - La voix de son êtreCliquer pour agrandir

Samedi dernier, dans ce joli lieu culturel qu’est devenue la Halle des Douves à Bordeaux, j’ai participé à un atelier d’écriture organisé par l’association Le Labo des Lettres de mon amie Isabelle Kanor, avec pour thème « La voix de son être ».

Nous étions un peu plus d’une dizaine. A travers diverses activités allant de la chasse aux papillons de mots à la chorale de mots projetés, en passant par l’écoute de sons ou de voix enregistrés, nous avons été amenés, petit à petit, à accumuler de la matière et à écrire plusieurs textes qui se sont alimentés les uns les autres. Nous nous sommes également nourris les uns des autres, en écoutant les voix de nos voisins, en leur empruntant des mots, en nous absorbant mutuellement. Ce fut réellement un atelier collectif permettant à la singularité de s’exprimer. Des rencontres de voix, des croisements d’êtres. Dans la plus grande décontraction, bienveillance et belle humeur. J’ai vécu ce moment comme un ressourcement de début d’été.

Acherontia_atropos39Sphinx à tête de mort (Acherontia atropos)
Source de l’image

J’ai envie de partager avec vous deux des trois textes écrits pendant cet atelier :

Murmures

Aube auréolée du rire de la vie
Bourdonnement orchestré de la transition
Secousses
Le crépuscule parle à mon ventre
Larmes des pulsations.

Patricia Houéfa Grange
Juillet 2016, tous droits réservés

acherontia-atroposSphinx à tête de mort (Acherontia atropos)
Source de l’image

Le cri du sphinx

Lève, lève, lève-toi !
Debout, bien droit, regarde le monde, là, bien en face !
Lèvre, lèvre, lèvre-toi !
Laisse monter et bouillonner ta voix, là, bien haut et fort !
Ose accueillir l’audace
dont le halo t’enveloppe
et ne demande qu’à être habité !

Traverse les momies
de la métamorphose
Extirpe-toi les mots du ventre
Crie, crie, crie
Expulse-toi et deviens
Cesse de n’être
pour enfin naître

Patricia Houéfa Grange
Juillet 2016, tous droits réservés

Je vais très certainement créer une mise en voix et/ou sons et/ou musique de ces deux textes et je reviendrai les partager avec vous.

[Petite anecdote : Lorsque j’ai écrit ce poème, je ne le savais pas, mais je viens de découvrir que le sphinx à tête de mort est effectivement un papillon qui crie comme vous pouvez le découvrir ici]

sphinx_tete_de_mortLe Sphinx
Stéphanie Pessoa

Envie de partager avec vous aussi une partie de la matière dont nous nous sommes nourris au cours de l’atelier, à savoir des citations imprimées sur des papillons de mots. Voici les deux que j’ai attrapées dans mon filet pendant l’atelier :

« Les sorcières marchent en souriant à leurs côtés
Elles crient fort, elles disent
La pointe de la feuille de l’anone bloque les mots dans la bouche de l’anone
Les bourgeons de pois-zombi tuent la voix du pois-zombi dans sa bouche
Ouvrir-la-bouche-sans-être-capable-de-parler est amertume de bois-pétard »

Monchoachi dans Lémistè, 2012

« Bruit de syllabes friables. L’angoisse à l’intérieur d’un ventre en gestation. La clé de l’énigme entre les dents du sphinx.
L’errance infinie d’un destin périmé. La dérive des questions sans réponse. Chaleur exquise aux lèvres de la blessure.
Présence tragiquement belle aux poumons de mes mots. Mes pensées vertébrales. Je me prépare à naître. »

Frankétienne dans L’Oizo schyzophone, 2004

En voici deux autres que j’ai cueillis à la fin de l’atelier parce que je les ai trouvés beaux et qu’ils m’appelaient :

« Encore au bord de la suffocation comme le nouveau-né qu’une main saisit et secoue pour faire venir le premier cri. Quand sort le cri, il ne provient déjà plus de ma gorge mais d’ailleurs, je l’entends quand il m’a désertée, dehors loin de moi car je suis aussitôt séparée de moi-même par cette parole qui est ma parole, qui me revient en écho comme la voix d’un autre. »

Marie-José Mondzain dans Théâtre du verbe, 2001

« Tout d’un coup, il y a une image en gros plan, et là je ressens vraiment sa voix. En la regardant avec intensité, je comprends la voix qu’elle doit avoir […] je vois bien que la voix vient du fond, de loin, que cette femme chante avec son ventre, ses tripes […] Maria Callas m’a touchée. C’est la seule fois de ma vie où j’ai ressenti, imaginé, une voix chantée.

Emmanuelle Laborit dans Le cri de la mouette, 1996

Papillons dans le ventre 2

Ce moment d’écriture en groupe, presque en symbiose, m’a traversée de joie.

Il y a ce que j’ai écrit pendant l’atelier et ce que je vais écrire dans les jours, semaines, mois, voire l’année à venir et qui sera né de cette matinée.

Il y a ce que j’ai écrit pendant l’atelier et qui va peut-être muer/muter dans les jours, semaines, mois, voir l’année à venir.

Je suis repartie le ventre empli de mots en gestation, habitée.

Papillons dans le ventre

Si ce type d’atelier vous intéresse, envoyez un message à l’adresse figurant sur le flyer en tout début d’article afin d’être informé(e) des prochaines dates.



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