Habitée

Le 11 novembre 2017

Who are you ? – Série Flying Houses
Laurent Chehere
Source de l’image

Certains murs de la petite maison que j’habite sont creux.
Depuis quelques temps (quelques semaines ? Un mois ?), je les entendais. A l’intérieur, ça craquait, ça claquait, ça grattait, ça se déplaçait (rampait ? marchait ? sautait ?). Ca résonnait de partout. Tard dans la nuit. Ca commençait souvent autour d’une heure du matin et ça se poursuivait, frénétiquement, régulièrement, jusqu’aux premières esquisses du nouveau jour. Puis cela s’apaisait lentement jusqu’à se taire. Mais par moment, ça s’agitait aussi, plus faiblement, dans la journée.

Je me demandais ce que c’était. Petits mammifères ? Rongeurs ? Oiseaux ? Car, si ça vivait et se déplaçait de façon tapageuse et nocturne, jamais, jamais, ça ne laissait entendre sa voix …

Les premières fois, j’ai été surprise. J’ai même donné de petites tapes sur les murs creux. Et de l’autre côté, ça s’arrêtait, quelques minutes, puis repartait de plus belle. Parfois, je jouais avec ça. Mais jamais, jamais, ça ne m’a fait peur, ni même effrayée. J’ai même fini par m’habituer à ça, à cette compagnie bruyante qui me réveillait de temps à autre au cœur de la nuit et ne me laissait plus dormir, comme une lune pleine.

Chez moi, les murs n’avaient pas d’oreilles (quoique ?), mais ils étaient bel et bien vivants. Et ma curiosité leur chuchotait : « Qui êtes-vous ? »

Une nuit, j’ai rêvé que ça sortait des murs, un, puis deux, puis dix et des dizaines. Ca ressemblait à un croisement entre une fouine et une grosse peluche. Ça était doux et venait se frotter contre moi comme un chat. Et ça parlait. Oui, ça me parlait vraiment. Ce n’était pas un cri, c’était des mots. Et je me suis réveillée au petit matin.

Juste au-dessus de ma tête, cette fois-ci, ça piaillait. De petits pépiements aigus de jeunes oiseaux. Un véritable chœur strident comme un soleil en ce jour naissant. Je me suis demandée si je rêvais encore. Mais non, les derniers lambeaux de mon sommeil venaient de s’évanouir et mes murs donnaient un concert. Cette fois-ci, ils n’avaient pas d’oreilles, mais de la voix !
Une éclosion sous mon toit ! Au lever du jour ! Quelle émotion ! Mon cœur s’est ramolli.
Vertige devant cette mise en abyme du nid dans le nid. Mon cœur s’est réchauffé.
Ma maison avait des ailes !

Ca était donc un oiseau. Nocturne. Même si je ne savais toujours pas lequel.

Au bout de quelques jours, les murs sont redevenus silencieux. Totalement silencieux.
Et ça me manque.



2 grains de pollen to “Habitée”

  1. Claire Lise dit :

    Oh, elle est belle cette histoire racontée comme ça. Le silence revenu a rompu la magie, mais qui sait, ça peut recommencer..

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