Moments magiques avec Lisa – 1

Le 14 septembre 2014

fernando_pessoaSource de l’image

Il y a quelques jours, je suis rentrée d’une très belle semaine en compagnie de Lisa (c’est ainsi que les Lisboètes appellent leur ville). C’est une escapade que je ne suis pas près d’oublier. Il y a vraiment une atmosphère particulière dans cette ville, une âme à la fois singulière et multiple. Il y a ces couleurs qui changent sans cesse, sur les maisons, dans le ciel, sur le Tage. Lisbonne m’a cadenassé le coeur. Mais plutôt que d’écrire ici un long carnet de voyage, j’ai préféré venir vous parler ici de temps en temps, dans les semaines à venir, de rencontres et de moments particuliers dans cette ville si près, si loin …

Et pour commencer, honneur à la poésie et aux poètes ! Avec Fernando Pessoa qui a accompagné toutes nos déambulations et contemplations dans Lisbonne, ville où il a entamé et achevé sa vie. Je crois que son fantôme bienveillant doit continuer à se promener ici ou là, près de Lisa …

fernando pessao largo sao carlosCopyright Mariposa
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Cette statue surréaliste à tête de livre représente et rend hommage à Fernando Pessoa. Elle se trouve sur la petite place qui s’appelle Largo Sao Carlos, dans le quartier du Chiado. Elle se trouve juste devant la maison où le poète est né, comme l’indique la plaque apposée sur le mur que vous pouvez voir sur la photo (en cliquant et en agrandissant, si vous lisez le portugais).

fernando pessoa chiadoCopyright Mariposa
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Toujours dans le Chiado (mais je ne sais plus dans quelle rue), cette maison où Pessoa a occupé pendant quatre ans une chambre qu’il louait.

fernando pessoa café a brasileiraCopyright Mariposa
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Celle-ci est très certainement une des statues les plus célèbres et les plus photographiées de Lisbonne ! Elle représente le poète attablé à un café et invitant le promeneur à le rejoindre. Elle se trouve sur la terrasse du café A Brasileira, rue Garrett, où Pessoa avait ses habitudes.

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casa fernando pessoa 2Copyright Mariposa
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Enfin, la Casa Fernando Pessoa dans le quartier de Campo de Ourique, ouverte au public. C’est la dernière maison du poète, celle où il a vécu les 15 dernières années de sa vie. S’y trouvent encore une partie de son mobilier, mais surtout une bibliothèque rassemblant non seulement ses ouvrages mais aussi ceux qu’il lisait. Cette maison est devenue une véritable maison de la poésie. Des évènements et manifestations poétiques y sont régulièrement organisés.

Et il y a une photo que je n’ai pas prise, c’est celle de la pierre tombale de Pessoa dans le cloître du Monastère des Hiéronymites dans le sublime quartier de Belém (quartier où nous avons résidé). Pierre tombale très discrète, qu’on ne remarque que si on la cherche, pas très loin du cénotaphe, bien plus imposant, de Vasco de Gama.

Et comment clore cette note de blog sans un poème ? Voici Lisboa par Alvaro de Campos (un des nombreux pseudonymes de Fernando Pessoa) :

Lisboa

Lisboa com suas casas
De várias cores,
Lisboa com suas casas
De várias cores,
Lisboa com suas casas
De várias cores…
À força de diferente, isto é monótono.
Como à força de sentir, fico só a pensar.

Se, de noite, deitado mas desperto,
Na lucidez inútil de não poder dormir,
Quero imaginar qualquer coisa
E surge sempre outra (porque há sono,
E, porque há sono, um bocado de sonho),
Quero alongar a vista com que imagino
Por grandes palmares fantásticos,
Mas não vejo mais,
Contra uma espécie de lado de dentro de pálpebras,
Que Lisboa com suas casas
De várias cores.

Sorrio, porque, aqui, deitado, é outra coisa.
A força de monótono, é diferente.
E, à força de ser eu, durmo e esqueço que existo.

Fica só, sem mim, que esqueci porque durmo,
Lisboa com suas casas
De várias cores.

Alvaro de Campos
(pseudonyme de Fernando Pessoa)

lisbonne azulejosCopyright Mariposa
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Version française :

Lisbonne avec ses maisons
De diverses couleurs,
Lisbonne avec ses maisons
De diverses couleurs,
Lisbonne avec ses maisons
De diverses couleurs …
A force d’être différent, c’est monotone.
Comme à force de ressentir, je ne fais que penser.

Si, pendant la nuit, couché mais réveillé,
Dans la vaine lucidité de ne pouvoir dormir,
Je veux imaginer quelque chose,
Autre chose toujours surgit (à cause du sommeil,
Et, à cause du sommeil, un fragment de rêve).
Je veux voir plus loin ce que j’imagine
Comme de grandes palmeraies fantastiques.

Mais je ne vois rien de plus,
Contre une sorte de paroi à l’intérieur des paupières,
Lisbonne avec ses maisons
De diverses couleurs.

Je souris, parce qu’ici, couché, c’est autre chose.
A force d’être monotone, c’est différent.
Et, à force d’être moi, je dors et j’oublie que j’existe.

Seule reste, sans moi, qui oublie parce que je dors,
Lisbonne avec ses maisons
De diverses couleurs.

***

Dans son oeuvre pléthorique, Fernando Pessoa a également commis un guide de Lisbonne que je vous invite à découvrir.



7 grains de pollen to “Moments magiques avec Lisa – 1”

  1. Monique dit :

    Belle façon de voyager que de suivre le poète, Patricia! Et quel beau poème!
    « Comme à force de ressentir, je ne fais que penser »: de quoi faire gamberger la petite faiseuse de haïku que je suis.

    • Mariposa dit :

      Je suis impatiente de lire le fruit de tes réflexions, Monique ! Et suivre le poète nous a offert de très belles promenades dans Lisbonne. Mais parfois, on ne le cherchait pas et c’est lui qui nous a trouvés !

  2. François dit :

    « Aucun bouquet ne vaut pour moi, resplendissant sous le soleil, la gerbe de couleurs de Lisbonne » ( le livre de l’intranquillité )
    Merci pour le voyage…

    • Mariposa dit :

      J’ai lu pas mal de poèmes de Pessoa, mais (honte sur moi), je ne me suis pas encore plongée dans le Livre de l’intranquillité. Je pense que ce sera un merveilleux voyage en soi d’après tous les extraits que je lis ou entends ici et là. Merci François.

  3. Claire-Lise dit :

    Patricia, tu connais mon amour pour Pessoa. Merci de nous avoir fait partager ta promenade sur les traces du poète. Je découvre, grâce à tes photos, ces lieux où il vécut et que je ne connais pas.

    J’aime le poème » Lisbonne revisité » écrit par Pessoa en 1926 dont je poste ici un extrait :

    Je te revois encore,
    ville de mon enfance épouvantablement perdue,
    ville triste et joyeuse, où je rêve une fois encore…
    Moi? mais suis-je le même que celui qui vécut ici, avant d’y retourner,
    d’y retourner, d’y revenir,
    d’y revenir, et encore d’y retourner?
    Ou bien sommes-nous tous des Moi que je fus ici ou qui furent
    une série de comptes-êtres liés par un fil-mémoire,
    une série de rêves faits par moi de quelqu’un à moi extérieur?
    Je te revois encore
    d’un cœur plus lointain et d’une âme moins à moi.

    Je te revois encore – Lisbonne et le Tage avec le reste -,
    passant inane de toi et de moi-même,
    étranger ici comme partout,
    accidentel dans ma vie comme dans mon âme,
    fantôme errant à travers des chambres de souvenirs,
    au bruit des rats et des planches qui grincent
    dans le château maudit de la vie qu’il faut vivre…

    Je te revois encore,
    ombre qui passe à travers des ombres, et qui brille
    un instant d’une lumière funèbre et inconnue,
    et qui entre dans la nuit ainsi que se perd le sillage d’un navire
    dans l’eau que l’on cesse d’entendre…

    Je te revois encore,
    mais moi, hélas, je ne me revois pas!
    Il s’est brisé, le miroir magique où je me revoyais identique,
    et en chaque fragment fatidique je ne vois qu’une parcelle de moi,
    une parcelle de toi et de moi !…

    • Mariposa dit :

      J’ai évidemment beaucoup pensé à toi chaque fois que j’ai croisé Pessoa à Lisbonne. J’ai failli choisir « Lisbonne revisité » pour ce post ! Merci à toi de l’avoir ajouté ! J’aime beaucoup l’extrait que tu as choisi et dans lequel Pessoa exprime sa personnalité multiple …

  4. […] reviens vous parler un peu de mon récent séjour à Lisbonne. Après la promenade dans l’aura de Pessoa, je viens partager avec vous ce qui fut pour moi le moment le plus fort de ce séjour. Il faut bien […]

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