Mémoire

Le 5 juillet 2014

mémoire

Je suis très sensible à la question de la Mémoire. Qu’il s’agisse de ma famille, de mes nations ou du monde. Peut-être parce que je suis née dans un pays où on dit que « c’est au bout de la vieille corde qu’il faut tisser la nouvelle ». Très certainement parce que je suis convaincue qu’en entretenant la mémoire et le souvenir, on permet à des victimes de continuer à vivre et de ne pas être mortes pour rien et surtout de cette manière, on peut faire en sorte que les générations actuelle et future ne répètent pas les erreurs du passé. Enfin, je l’espère.

C’est donc tout naturellement que je suis allée voir ces deux expositions hier :

affiche frères d'âmesFrères d’âme – Les héritages
Commissaire : Karfa Sira Diallo

Cette exposition est présentée par la Fondation du mémorial de la traite des noirs dans le cadre du centenaire de la première guerre mondiale.

Présentation :

« A l’occasion des manifestations célébrant le Centenaire de la première guerre mondiale, la Fondation du mémorial de la traite des noirs, avec le soutien de nombreux partenaires institutionnels et associatifs, organise une exposition documentaire itinérante du 27 juin au 14 décembre 2014.

A travers une centaine d’images empruntées aux collections des Archives départementales de la Gironde et avec une solide documentation issue des dossiers des Archives militaires de la Caserne Bernadotte de Pau, l’exposition « Frères d’âme » vise à retrouver et à partager les solidarités entre combattants, anciens combattants et descendants d’anciens combattants, de Métropole et d’Outre-Mer, tous unis par la singularité d’un conflit et les leçons d’une expérience unique de défense de la liberté et de construction de la paix.

A la veille de l’anniversaire de l’assassinat de Sarajevo qui est l’étincelle de ce premier conflit mondial, il s’agit de rendre visible la mémoire de la diversité du monde et les constellations sociales, politiques et diplomatiques qui ont plongé l’humanité dans cette terrible déflagration.

Les commémorations récentes de la deuxième guerre mondiale ont montré l’importance des initiatives publiques et privées permettant de développer une culture de mémoires ouvertes.

Autour de la relation, de la pédagogie de la fraternité et au-delà de la tragédie, l’exposition vise ainsi à partager cette mémoire de la diversité du monde venue secourir l’Empire colonial. »

Je m’attendais à un parcours très historique et finalement, je me suis retrouvée à suivre des bouts de vie, à travers 14 panneaux qui m’ont fait traverser l’histoire de 14 combattants de tout l’empire colonial.  Des photos, des états de services, des contextes historiques et, ô surprise, des poèmes !

De la part de Karfa Diallo, commissaire de l’exposition, cela ne m’a pas beaucoup étonnée car il est lui-même poète !

Il y avait là, entre autres, un extrait du Black Label de Léon-Gontran Damas et Je suis né dans un port du poète bordelais Jean de La Ville de Mirmont. Ce poème a été publié à titre posthume par sa mère dans le recueil Horizons chimériques :

Je suis né dans un port et depuis mon enfance
J’ai vu passer par là des pays bien divers.
Attentif à la brise et toujours en partance,
Mon cœur n’a jamais pris le chemin de la mer.

Je connais tous les noms des agrès et des mâts,
La nostalgie et les jurons des capitaines,
Le tonnage et le fret des vaisseaux qui reviennent
Et le sort des vaisseaux qui ne reviendront pas.

Je présume le temps qu’il fera dès l’aurore,
La vitesse du vent et l’orage certain,
Car mon âme est un peu celle des sémaphores,
Des balises, leurs sœurs, et des phares éteints.

Les ports ont un parfum dangereux pour les hommes
Et si mon cœur est faible et las devant l’effort,
S’il préfère dormir dans de lointains arômes,
Mon Dieu, vous le vouliez, je suis né dans un port.

Terrible poème pour cet éternel jeune homme qui n’aura pas pu devenir marin à cause de sa myopie …

L’exposition Frères d’âme visible dans le hall du Conseil Général de la Gironde à Bordeaux jusqu’au 1er août, puis elle partira en itinérance. Si elle passe près de chez vous, je vous la conseille vivement. En voici le parcours :

parcours frères d'âmes

***

Hier, j’ai également fait un bond vertigineux dans le temps et l’espace en pénétrant dans l’univers singulier de Marielle Plaisir :

les commodités de la conversation marielle plaisir

Marielle Plaisir explore les rapports dominant-dominé, maître-esclave, colon-colonisé, « elle établit une relation sous-jacente entre le désir de maîtriser la nature qui s’exprime dans l’art du jardin au XVIIème siècle, et la prétention de « civiliser les sauvages » par leur exploitation qui est l’alibi du projet colonial et que l’on retrouve encore dans la globalisation postmoderne. »

Présentation par MC2A
Présentation par le Musée d’Aquitaine

Quelques photos prises hier au Musée d’Aquitaine :

commoditésPhoto : Mariposa – Tous droits réservés

portraits ennuyeux I à IIIPortraits ennuyeux I à III
Photo : Mariposa – Tous droits réservés

commodités 2Photo : Mariposa – Tous droits réservés

La très belle installation What’s happening in delight gardens ?

what's happeningPhoto : Mariposa – Tous droits réservés

what's happening 2Photo : Mariposa – Tous droits réservés

what's happening 3Photo : Mariposa – Tous droits réservés

Document mis à disposition dans l’exposition (cliquer pour agrandir et lire) :

commodités de la conversation

commodités de la conversation 2

Marielle Plaisir expose actuellement, sur les mêmes thèmes, ailleurs en Gironde, au Château d’Arsac :

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Je n’ai pas encore vu cette exposition, mais j’en ai aperçu des photos sur les murs Facebook d’amis et je pense bien y faire un tour !

***

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Oui, je sais, cette note de blog est déjà bien longue, mais je souhaite également vous parler de ce film que j’ai vu lundi soir à l’Utopia à Bordeaux et dont le thème est lié aux deux expositions dont je vous ai parlées ci-dessus.

Il s’agit du film « Panda Farnana, un Congolais qui dérange ». En voici le synopsis : « Le portrait d’un personnage atypique, à cheval entre deux mondes, celui de la Belgique et celui du Congo.
Elevé par une femme belge célibataire et artiste, Paul Panda Farnana est le premier Congolais à avoir obtenu un diplôme de l’enseignement supérieur en Belgique en 1909.
Agronome, il retourne au Congo en tant que premier fonctionnaire belge à la peau noire. Il y subit un véritable apartheid et doit renoncer peu à peu à ses différents postes pour cause de harcèlement. Il rentre en Belgique en 1914 et, à l’annonce de la guerre, s’engage comme volontaire. Fait prisonnier, il est emmené en captivité en Allemagne jusqu’à la libération en 1918.
A son retour en Belgique, il consacre toute son énergie à réclamer l’égalité entre les blancs et les noirs par l’éducation et la responsabilisation des chefs, sous les attaques virulentes de la presse coloniale belge. En 1921, il collabore étroitement avec l’Afro-Américain W.E.B. DuBois à l’organisation du Congrès Pan-Africain de Bruxelles.
Panda Farnana meurt quelques mois après son retour au Congo, à l’âge de 42 ans, dans des conditions mystérieuses.
Le film retrace la vie et l’œuvre de Panda Farnana (1888-1930) grâce à des documents inédits et des scènes d’évocation tournées au Congo. »

Evidemment, c’est ce côté d’être écartelé entre deux cultures qui m’a conduite au cinéma pour voir ce film. Toujours cette histoire de métissage ! Je n’ai pas été déçue, j’ai découvert un personnage fascinant, au-delà de cet écartèlement. Un homme, un activiste qui aurait pu réaliser de grandes choses pour son pays si son destin n’avait pas été brisé.

Malheureusement, ce documentaire ne présente de temps en temps que la surface des choses, certains aspects majeurs comme sa disparition n’ont pas été assez explorés, fouillés. Nous avons eu la chance de bénéficier de la présence de la co-scénariste Ellen Meiresonne qui nous a expliqué pourquoi cela n’avait pas été possible et qui a, oralement, introduit certaines nuances que le film ne présente pas.

Mais il est vrai que l’objectif principal de la réalisatrice et de sa scénariste est atteint : elles ont sorti Panda Farnana de l’oubli. Mais cet homme mériterait qu’un film plus complet soit tourné sur sa vie et ses réalisations. Il mériterait qu’on publie ses correspondances. J’espère que des gens se pencheront sur la question …

En attendant, vous savez quoi ? Vous pouvez voir ce film en ligne :


Panda Farnana, un Congolais qui dérange par jeanfiston



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  1. […] dizaine de jours, j’ai passé la journée à visiter des expositions et je vous en ai parlé là et là. Comme je suis passée au CAPC, j’en ai profité pour visiter à nouveau […]

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