Aphorismes sous la lune …

Le 18 mai 2014

Aphorismes_Sous_La_LuneAphorismes sous la lune et
autres pensées sauvages
Textes de Sylvain Tesson
Encres de Michel Pinosa
Editions des Equateurs, 2008
Pocket 2013 (Edition revue et enrichie de plus de 200 aphorismes)

Je pense que vous l’avez désormais deviné, je chéris particulièrement la poésie en texte court : tanka, haïku (et tous ses dérivés haïsha et haïga), quatrain, sizain, pantoun et autres formes courtes ne répondant pas à des règles particulières. Saisir un instant, une émotion, la figer tout en la laissant repartir, peindre l’évanescence, voilà ce que j’apprécie la plupart du temps dans ces formes courtes. Elles ressemblent à des papillons, si difficiles à attraper lorsqu’on leur court derrière et qui viennent d’eux-mêmes se poser sur votre épaule lorsque vous ne pensez plus à eux ! C’est d’ailleurs en évoquant le papillon que Sylvain Tesson parle de l’aphorisme dans l’avant-propos inédit de cet ouvrage :

« Quand j’ai compris qu’on pouvait dire des choses sur la Nature, les hommes et l’absurdité des choses en précipitant (au sens chimique) observations et émotions dans l’éprouvette de l’écriture, je me suis fait chasseur d’aphorismes. L’aphoriste flâne en entomologiste : nez au vent, oeil aux aguets, âme en haleine. L’aphorisme, lui, est papillon : il éclot de la pensée et s’envole léger. On ne compose pas un aphorisme, on le laisse monter. Il surgit des arrières plans, feu follet à l’orée d’un bois. C’est un cadeau de l’inconscient à l’esprit. Si on le cherche, il est perdu. Si on le convoque, il disparaît. S’il advient, il faut le noter. Ensuite, en le lisant, on saura s’il est mauvais ou réussi. (…)
Le voyageur vaque en chemin avec son filet. Devant un paysage, une colonne d’insectes, après une rencontre, sous une escadre d’oies grises, il piège sa pensée la capture et l’épingle sur le papier. »

michel pinosaIllustration de Michel Pinosa

Pour moi l’aphorisme est la forme poétique-papillon la plus insaisissable, la plus difficile à appréhender. Je pense que si j’en écris un jour, ce sera complètement par inadvertance !

J’apprécie d’autant plus ceux que Sylvain Tesson nous livre dans cet ouvrage. Si, pour l’auteur, l’aphorisme constitue le meilleur moyen de prendre des notes d’impression en voyage, de concentrer des ressentis ; pour moi, il constitue aussi l’une des meilleures lectures de voyage. Le rythme de l’aphorisme est celui du pas, du déplacement lent. On peut en lire quelques-uns, refermer le recueil, repartir, laisser ces aphorismes résonner et faire leur chemin dans notre pensée, s’arrêter, faire une pause, en relire quelques-uns, repartir. On lit les aphorismes de Sylvain Tesson, comme on s’assied sur une pierre, en chemin, pour admirer le paysage et/ou méditer :

Le lacet d’un chemin noue la gorge.

Coquelicots : l’acné des champs.

Les lucioles jouent les mites. Elles trouent la toile de la nuit pour que le jour passe à travers.

Une pierre qui tombe dans l’eau ne rate jamais le centre de la cible.

Le lotus : un baiser que la boue adresse au ciel.

Ne condamnons pas les mauvaises herbes : c’est le terreau qui est propice.

Boire du thé fait pisser le temps.

Avec Dans les forêts de Sibérie, Sylvain Tesson m’avait déjà plongée dans l’utérus chaleureux et cocon de ses mots. Je m’y retrouve à nouveau, chaque fois que j’ouvre les pages de ce recueil d’aphorismes qui m’accompagne actuellement pendant mes « voyages » quotidiens en train …

Et pour ne rien gâcher à mon plaisir, les encres de Michel Pinosa qui illustrent cet ouvrage sont d’une délicieuse délicatesse.



3 grains de pollen to “Aphorismes sous la lune …”

  1. Monique dit :

    Voilà un livre à découvrir! Merci de nous le présenter Patricia.

  2. […] y a un peu plus de deux ans, je vous avais parlé des Aphorismes sous la lune et autres pensées sauvages de Sylvain Tesson. Il y a quelques jours, je me suis plongée dans son deuxième recueil […]

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