« Max », le livre qui a glacé ma fin d’été

Le 8 septembre 2013

« Max »
Sarah Cohen-Scali
Gallimard Jeunesse, Collection Scripto, 2012

J’ai lu cet ouvrage en quelques jours à la fin du mois d’août. J’en tremble encore ! Oui j’ai appris certaines choses lors des cours d’histoire à l’école. Mais on ne m’en avait pas donné tous les détails. Oui j’ai vu des films et des photos des camps de concentration qui m’ont fait frémir d’horreur. Mais le programme Lebensborn, je n’en avais jamais entendu parler. Du moins pas ainsi, pas de cette façon. Et la façon dont l’auteure, Sarah Cohen-Scali, a décidé d’en parler est, je pense, la meilleure, la plus frappante, la plus glaçante.

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Voici ce que dit la 4ème de couverture qui reprend en partie l’incipit de ce roman :

« 19 avril 1936. Bientôt minuit. Je vais naître dans une minute exactement. Je vais voir le jour le 20 avril. Date anniversaire de notre Führer. Je serai ainsi béni des dieux germaniques et l’on verra en moi le premier-né de la race suprême. La race aryenne. Celle qui désormais règnera en maître sur le monde.

Je suis l’enfant du futur. Conçu sans amour. Sans Dieu. Sans Loi. Sans rien d’autre que la force et la rage. Je mordrai au lieu de téter. Je hurlerai au lieu de gazouiller. Je haïrai au lieu d’aimer. Heil Hitler ! »

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Oui, l’auteure a décidé de faire directement parler un des enfants conçus par le programme d’Himmler pour faire partie de la race aryenne. Et elle le fait parler dès le ventre de sa mère, et même dès sa conception. Max, puisque tel sera son (vrai) prénom, nous raconte tout de l’horreur de ce programme Lebensborn, mais vu à travers les yeux et l’esprit d’un enfant conditionné, avant sa conception, pour devenir un monstre.

C’est un livre qui ne vous épargnera pas et que vous ne pourrez, malgré tout, pas lâcher. On avale une abomination après l’autre et on reste secoué, lessivé. Faire de cet enfant le narrateur du roman en le faisant parler à la première personne oblige le lecteur à se retrouver partie prenante dans l’histoire, à s’identifier parfois à Max. Max qu’on a sans cesse envie de gifler et que pourtant on n’arrive pas tout à fait à détester. Parce que finalement, Max, conçu pour être un monstre, n’est qu’une victime des déséquilibres machiavéliques des monstres au pouvoir.

Pour moi « Max » est un ouvrage d’utilité publique qui m’a fait plonger dans cet épisode barbare et révoltant de l’Histoire et m’a donné envie de me documenter davantage sur la question. C’est un roman qui parle du Lebensborn, de la vie dans le Berlin d’après la chute d’Hitler et à l’arrivée des Russes. Mais c’est aussi un ouvrage qui dit l’importance du « cadre » dans lequel un enfant est conçu, naît, est élevé. Ce « cadre » conditionne tout ce que cet enfant va être. J’ai été fortement touchée et attendrie par le petit Max à la fois si mûr et si perdu à la fin du roman, face au monde « normal » qu’il ne peut pas comprendre, pour lequel il n’a pas été préparé. Et j’aimerais bien savoir ce que sont devenus tous ces enfants qu’on a fait naître dans de telles conditions et avec un tel conditionnement. Je voudrais savoir comment ils ont pu faire face au « vrai » monde …

Comme la plupart des lecteurs de cet ouvrage, je trouve juste dommage et un peu inapproprié de la part de Gallimard de l’avoir publié dans la collection Jeunesse. D’abord parce qu’il prive le livre d’une partie de son public. Pour moi c’est un ouvrage grand public. D’autre part, parce que je ne le mettrais pas dans les mains d’ado de moins de 15 ans tellement ce qu’il révèle et les mots qu’il utilise sont durs, crus et violents.

D’autres avis sur ce livre :

Sophie lit
Librairie Pleine Page (Lyon)



2 grains de pollen to “« Max », le livre qui a glacé ma fin d’été”

  1. Monique dit :

    Je ne sais pas si je lirai ce livre, Patricia, tant j’ai ressenti l’horreur qu’il a produit sur toi. Mais bien sûr, j’ai lu énormément de choses sur ces temps de ténèbres et je me souviens de ma découverte des crimes nazis lorsque j’avais une vingtaine d’années à travers les ouvrages de Christian Bernadac. A l’époque, on lisait surtout « Le Journal d’Anne Frank »… Et aujourd’hui, je me demande si l’école prend le temps d’expliquer, de faire connaître cette époque aux jeunes j’ai constaté à plusieurs reprises que des jeunes femmes trentenaires, cultivées et d’un bon niveau d’études, ignoraient complètement ce qui s’était passé à Oradour sur Glane (remis sur le devant de la scène, dernièrement).
    Je pense aussi comme toi qu’il ne convient pas de mettre des ouvrages aux « mots crus, durs et violents » entre les mains d’ados. Dernièrement, une libraire me racontait qu’elle avait renvoyé un livre Jeunesse qui racontait avec force détails… une « tournante » et c’était relaté par la victime à la première personne.

    • Mariposa dit :

      Il n’y a que quelques années que j’ai moi-même pris connaissance et conscience de ce qui s’était passé à Oradour sur Glane. Mais il est bien d’autres aspects de l’Histoire, et pas que dans le monde occidental, qui restent obscurs pour moi. Les cours d’histoire, même bien documentés, n’ont pas le même impact que des témoignages, voire des fictions documentées.
      Quant aux ouvrages jeunesse, c’est vrai qu’en ce qui concerne ceux destinés particulièrement aux ados, il doit être difficile et délicat de délimiter les frontières de ce qu’on peut leur donner à lire, tant il s’agit d’un âge frontière et charnière.

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