Triptyque – Innocents sacrifiés

Le 27 août 2013

J’ai écrit les trois poèmes que je souhaite partager avec vous ce soir alors que j’étais adolescente et que je découvrais l’horreur des conflits et des guerres, notamment avec le génocide au Rwanda et l’arrivée en masse à Cotonou de réfugiés rwandais et zaïrois (aujourd’hui le Zaïre est devenu la République Démocratique du Congo). Mais je les publie ce soir en pensant à la Syrie et à toutes ces images insoutenables, à toutes ces âmes dont on vole l’enfance et la vie …

CLAIR-OBSCUR

Dehors, éclate le tonnerre des armes
Et les éclats de sang
Zèbrent la nuit du néant.
Une flamme de bougie
Dessine un clair-obscur :
Un nouveau-né
Tête avidement
Le sein tari
De sa mère amaigrie.
Dehors, gronde l’orage de la guerre
Tombe la pluie des squelettes.
La bougie lentement fond.
Les bras maternels,
Brins de paille abandonnés
Après la moisson,
Enserrent doucement
Le petit corps fragile.
Dehors, résonnent les coups de pelle
La terre jetée sur les cendres fumantes.
Dans la cire figée,
La flamme tremble et meurt.
Les yeux maternels,
Tendrement fixes,
Demeurent posés
Sur le petit être
A la chair chaude et molle
Qui dort et rêve
Contre la chair froide et raide.

Mariposa, à Cotonou, le 4 mai 1995.

***

J’ai rêvé

Dans un nuage
De poussière et de sang
Un enfant court
Le regard transparent
Les lèvres coulantes
Les os à fleur de peau.
Et ce bruit sourd qui résonne
Ce ne sont pas les bombes
C’est son coeur qui explose.
Et la douleur qui lui brûle la chair
Ce n’est pas son corps à vif
Ce ne sont pas les pierres du chemin
C’est l’horreur qu’il vit.
Sa maison en cendres
Son père écartelé
Sa mère violée morte dans ses bras
La guerre qui n’en finit pas …
Et l’instinct qui lui crie « Marche ! Cours ! »
Quand il n’a plus rien
Quand la terre lui tend les bras
Et que l’espoir se meurt.

Mariposa, à Cotonou, le 19 juin 1997.

***

CENDRES ET SANG

J’ai creusé la terre
Pour trouver mes os
Ne sachant
Par quel éclair
Je suis au fond du tombeau
J’ai éparpillé ma chair
Pour exhaler mes plaies
Et arrêter mon sang
J’ai crié vers l’épicentre
Des coeurs coagulés
J’ai brisé les squelettes
De mes frères
M’entourant de la poussière
Sainte de leurs vies sacrifiées
J’ai brûlé notre fosse
Pour laisser monter
Nos cendres
Vers les cieux,
Libres.

Mariposa, à Cotonou, le 10 février 1998.



4 grains de pollen to “Triptyque – Innocents sacrifiés”

  1. Monique dit :

    Tes deux textes sont très forts, Patricia; ils prennent au cœur devant ces horreurs qui ne cessent pas… Les cris des poètes ne peuvent les effacer, hélas! mais au moins, nous incitent à ne pas oublier, à ne pas baisser la garde pou clamer encore et encore: « Arrêtez ces guerres! Arrêtez ces massacres! »… d’où qu’ils viennent. Comme disait Jacques Brel « Aucun rêve jamais, ne mérite une guerre »

    • Mariposa dit :

      Oui je me sens bien impuissante avec la seule force de mes mots Monique, bien impuissante … Mais j’avais quand même besoin de les crier car « le silence des pantoufles est bien pire que le bruit des bottes » je crois …

  2. François dit :

    Rien à ajouter, tout est dit, mon commentaire sera : » no comment ! »

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