Octobre rose

Le 10 octobre 2012

Mon Sein
Poème de Patricia Grange
Illustration de Maya Mihindou
Mise en page d’Emilie Jacquet
(cliquer pour agrandir)

***

Elle

J’entends encore son rire sans pareil. Pour moi, Elle rime avec « grands éclats ». Avec « gorge déployée ». L’évoquer c’est immédiatement l’invoquer. On ne peut parler d’Elle sans qu’Elle ne se matérialise. Dire son prénom, c’est dire la joie, c’est chanter la vie.
Elle danse, Elle vibre sur les photos, sur les vidéos de notre vie de famille. J’entends sa voix taquine sur le fil de mes souvenirs.
Je suis dans le métro et je pense à Elle. Dans quelques minutes, je vais la voir. Je suis heureuse de passer l’après-midi avec Elle.
Lorsque j’ouvre la porte sur sa chambre d’hôpital, le temps d’un clin d’œil, il n’y a plus de couleurs en ce monde. Mon cœur sursaute et mon ventre s’entaille.

Elle a le crâne nu
La peau sur les os
Un crabe sur le sein.

Et pourtant, Elle rit. Et pourtant, Elle irradie. Je ne peux m’empêcher de la trouver vieillie, ainsi amaigrie, sans ses si beaux cheveux, avec ce vide à la poitrine. Elle qui pourtant a à peine cinquante ans. Mais je ne peux non plus m’empêcher de la ressentir belle et même rayonnante !
Mon âme se resserre de temps en temps. Mais j’essaye de faire en sorte qu’Elle ne s’en aperçoive pas. Je bois ces moments de communion simple et gaie que le temps nous accorde, en tentant de ne pas penser à tout ce qui est absent. Elle, Elle n’est que présence et bonheur. Elle défie cet infâme animal qui s’infiltre aux quatre coins de sa chair.

Derniers moments partagés
En toute inconscience
Elle essaye des perruques.

***

L’affiche « Mon Sein » a fait partie de l’exposition « Images acoustiques » réunissant mes travaux poétiques et graphiques ainsi que les illustrations de mes amies lors du Printemps des Poètes 2010 à la Maison des Femmes de Bordeaux.

Le haïbun « Elle » a fait partie de la présélection du Prix 2011 du Haïbun et de la Micro-nouvelle organisé par les Editions L’iroli sur le thème « Quel animal ! » Il a été publié dans le recueil éponyme par les Editions L’iroli.



6 grains de pollen to “Octobre rose”

  1. Claire-Lise dit :

    Très beau et poignant.
    Douloureux aussi, tellement !

    • Mariposa dit :

      Oui, la douleur laissée par le départ d’Elle il y a presque dix ans maintenant est toujours là. Le souvenir retracé dans ce haïbun toujours bien vivace. On dit que le temps guérit la douleur d’un deuil. Je ne crois pas, il l’apaise un peu et permet de l’apprivoiser.
      Mais parallèles à la douleur, il y a aussi ses grands éclats de rire qui ensoleillaient son visage et les nôtres et qui viennent de temps en temps faire des ricochets dans ma mémoire. Quelques touches de rose.

  2. Di Ane Lesage dit :

    Bonjour !

    J’aimerais lui envoyer un grain de pollen moi aussi…

    Je cherchais un exemple haibun et je suis tombée ici, avec les dessins merveilleux et des mots d’une vie intense…un refuge paisible dans un esprit de fête, un anniversaire toujours là dans une autre dimension…

    Alors, voilà!

    C’est ici que je puise mon inspiration pour mon prochain haïbun.

    Di Ane

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